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Raí, du football à la politique, un leader de terrain

[Série : Les Alumni qui ont marqué l’année 2022] Légende vivante du ballon rond, Raí est la preuve que sport et culture sont intimement liés. Pendant l’élection présidentielle brésilienne de 2022, il a soutenu Lula et s’est farouchement opposé à Bolsonaro. Amoureux de la France, actuellement élève de l’Executive Master Management des politiques publiques de Sciences Po, Raí entend porter haut ses projets pour le Brésil de demain.

Par Renaud Leblond et Driss Rejichi

Raí arborant le maillot de son association Gol de Letra. (Crédits : Nicolas Duprey)

Né en 1965, cadet d’une fratrie de six garçons, Raí est très tôt plongé dans un mélange de lettres et de sport. Son père, Raimundo, fonctionnaire d’une petite ville de la région pauvre du nord-est, était passionné de philosophie. Un environnement source de stimulation : « Mon père aimait nous provoquer. Par exemple, quand j’avais 13 ans, il m’arrêtait dans le couloir en me demandant : “Est-ce que tu sais quel est le sens du mot culture ?”. La question était large. À cet âge, je ne savais pas quoi répondre ! ». Lui et ses frères sont également poussés par leurs parents à faire du sport. L’aîné de la fratrie, Sócrates (décédé en 2011), devient lui-même une idole du football brésilien et une personnalité politiquement engagée, préfigurant le parcours de son frère cadet. 

Joueur cadre de la Seleção, champion du monde en 1994, Raí s’illustre par son parcours au Paris Saint-Germain. Capitaine des rouges et bleus dans le milieu des années 1990, il est considéré comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du club. C’est lors de son passage au parc des Princes qu’il se découvre un véritable amour pour la France. Il s’inscrit dans des cours de civilisation française à la Sorbonne, qui lui permettent, au-delà de la maîtrise de la langue, de découvrir « les valeurs, l’éducation, les droits de l’homme, le sens de la résistance propres à la France. Tout ça m’a beaucoup touché. Je crois aussi que les Français reconnaissent ces valeurs chez moi, dans ma façon de me comporter et mes actions ».

Éduquer par le sport et la culture

Naturalisé français en 2016, Raí porte son attachement aux valeurs d’égalité et de fraternité sur tous les terrains. Créée en 1988, sa fondation, Gol de Letra, a ouvert deux centres, à Rio de Janeiro et São Paulo, où 4 500 jeunes issus des milieux défavorisés participent chaque jour à des projets d’insertion sociale. L’ancien international entend « développer une politique publique d’éducation par le sport et la culture ». De son propre aveu, sa fondation a pour but de combler un certain vide laissé par l’État : « Au Brésil, l’éducation populaire n’est pas une réalité. »

Également engagé contre le racisme, Raí n’hésite pas à mettre le Brésil face à ses contradictions. Il reconnaît le rôle qu’a pu jouer la figure de Pelé, jusqu’à sa disparition, dans la lutte contre les préjugés : « La première idole du Brésil était noire. Pour une dictature et un pays qui était le dernier à avoir aboli l’esclavage, ce qu’il représentait était plus fort que ce que beaucoup imaginaient. » Raí souligne toutefois les progrès qu’il reste à faire pour combattre le « racisme structurel » de son pays.

Raí a publiquement marqué son opposition à Bolsonaro. Dans une tribune publiée dans Le Monde, en 2021, il n’hésite pas, en pleine pandémie, à convoquer Camus et à exhorter ses compatriotes à « résister à cette peste brésilienne » que représentent le président élu et l’extrême droite. Soutien de Lula, il place de grands espoirs dans le programme du nouveau chef de l’État, espérant « des réformes plus profondes, sur l’éducation, la santé publique ou l’habitat ». Proche de la nouvelle ministre des Sports, l’ancienne championne de volley-ball Ana Moser, il entend pousser, plus loin encore, l’implémentation de son programme d’éducation par le sport et la culture. 

À 57 ans, Raí suit aujourd’hui, en étudiant studieux, les cours de l’Executive Master Management des politiques publiques de Sciences Po. Ses études rue Saint-Guillaume lui permettent d’abord de satisfaire son appétit intellectuel. « À Sciences Po, j’ai découvert l’anthropologie, j’adore ça ! ». Mais cette formation lui permet surtout de parfaire ses compétences professionnelles. Raí veut avant tout rester un homme de terrain : « J’ai déjà été approché pour certains postes, concède-t-il, mais c’est l’expérience associative et la manière de concevoir une politique publique qui m’intéressent. Bien plus que d’être élu ou nommé ministre. De ce point de vue aussi, Sciences Po m’apporte beaucoup. » 

Ce portrait a initialement été publié dans le numéro 27 d’Émile, paru en février 2023.