Sink Tank, pour une autre révolution écologique
Créé au printemps 2022, Sink Tank est un groupe de réflexion dont l’objectif est de sensibiliser les citoyens au réchauffement climatique. Il formule des propositions à la fois ambitieuses et compatibles avec notre modèle capitaliste et de consommation, accompagnées d’une communication rôdée et provocatrice. Pour mieux comprendre son positionnement dans le débat sur le réchauffement climatique, Émile s’est entretenu avec le fondateur de Sink Tank, Romain Tord (promo 2002).
Propos recueillis par Maïna Marjany et Anna Riolacci
Après vos études à Sciences Po, comment avez-vous été amené à fonder le Sink Tank ?
Peu après Sciences Po, je suis devenu consultant en communication publique, pendant une quinzaine d’années. Mais j’ai gardé de mes études une vraie passion pour l’économie : au fil des années, j’ai régulièrement rédigé des articles ou notes de blogs dans des publications diverses. Il y a quelques années, j’ai vécu une prise de conscience – un peu tardive, je le concède – des enjeux environnementaux et de la sévérité de la crise qui nous guette. C’est alors que j’ai repris mes notes et retravaillé mes idées, notamment sur la création monétaire, pour les mettre au service d’une voie de financement de la transition écologique. Ce projet, plutôt amateur et personnel au départ, est devenu une aventure collective au fil des relectures et discussions entre amis : c’est aujourd’hui le Sink Tank. Nous sommes une quarantaine de membres, et je travaille désormais à mon compte, notamment pour libérer du temps pour animer l’association.
Aujourd’hui un certain nombre d’associations et de think-tanks sont consacrés à la lutte contre le réchauffement climatique. Pourquoi en proposer un de plus, et dans quelle mesure Sink Tank diffère-t-il des autres ?
Nous espérons être complémentaires des autres acteurs. Contrairement à beaucoup d’associations, nous ne sommes ni activistes de terrain, ni spécialisés dans les problématiques environnementales (protection de la biodiversité, ingénierie du climat ou de l’énergie…) : nous sensibilisons aux enjeux, nous vulgarisons des concepts, nous combattons les clichés, mais nous n’inventons rien dans ce domaine. Ce qui nous différencie, c’est que sur notre fond de réflexion, qui touche principalement à la question du financement de la transition et à la transformation de notre économie, nous portons, contrairement à la plupart des think tanks, une vision plus normative qu’analytique, assise sur des propositions bien plus radicales.
Nous portons trois mesures principales qui sont plus ou moins dans l’air du temps, mais que nous poussons dans leurs derniers retranchements : une taxe écologique frappant 100 % des externalités, un revenu citoyen conséquent et une abondante création monétaire. Ces trois mesures font système : elles peuvent, à elles seules, transformer en profondeur notre production, sans faire de perdants. C’est notre révolution écologique.
Pourquoi avoir choisi ce style de langage familier dans votre communication ?
Ce langage fait également partie de ce qui nous différencie des autres think tanks, qui s’adressent, presque par définition, aux élites (sans connoter ce terme) : notre cible, c’est le grand public. Nous avons aussi fait ce choix pour des raisons de fond. L’économie et l’écologie souffrent toutes deux de leur langage. Le discours économique est accaparé par des experts qui noient l’information sous des chiffres ou des concepts complexes. « Je ne comprends rien à l’économie », c’est comme « je suis nul en maths », on a l’impression que c’est naturel.
L’écologie, quant à elle, se prête à la caricature, des « Amish de la 5G » à « l’écologie punitive ». Mais en réalité, l’absurde est du côté de ceux qui détruisent la planète : à nous de renverser les clichés !
Avec notre langage direct, familier et audacieux, nous voulons proposer une vision plus joyeuse de l’écologie, et rendre familières des notions économiques qui, en réalité, sont souvent bien plus simples qu’elles ne le paraissent.
Y a-t-il des limites à l’aspect transpartisan du groupe de réflexion ? (Reprise politique, détournement d'idées, appropriation par des partis politiques…)
Nous avons choisi ces trois leviers – le revenu citoyen, la création monétaire et la taxe environnementale – pour leur efficacité, bien entendu, mais aussi et surtout parce qu’ils sont assez « neutres » économiquement, qu’ils peuvent mettre d’accord le plus grand nombre de courants possible. De la même façon, parce qu’ils n’impliquent pas de rompre brutalement avec le capitalisme, ni même de quitter la société de consommation, presque tout le spectre de l’économie politique peut en faire sa propre lecture. Donc si c’est le cas : tant mieux, nous aurons réussi ! Nous pensons que ces idées sont neuves, justes et transformatrices, leur vocation est donc d’intégrer le plus grand nombre de plateformes politiques possible. C’est là notre rôle de think-tank : promouvoir des idées nouvelles, et laisser ensuite la sphère politique se les approprier.
Les propositions portées par le Sink Tank ne se heurtent-elles pas à un partage de compétences et une réglementation européenne ? (I.e. : création monétaire contrôlée actuellement par le BCE)
Concernant nos deux premières propositions, la taxe environnementale et le revenu citoyen, il ne fait aucun doute que la fiscalité et les prestations sociales sont des compétences nationales.
Le doute pourrait exister sur la troisième, la création monétaire. Mais pour répondre à l’urgence climatique, la rapidité d’adoption est presque aussi importante à nos yeux que l’efficacité. C’est pourquoi nous préconisons l’émission d’une monnaie complémentaire de l’euro, ce qui présente l’avantage de ne pas remettre en cause notre appartenance à l’Union européenne et à la zone euro. Par ailleurs, cela contribuerait à contenir l’inflation, puisque cette monnaie, non convertible, ne pourrait être dépensée que dans l’espace national, ce qui encouragerait, du même coup, la production locale. C’est le cœur de notre démarche : imaginer des cercles vertueux qui motivent les acteurs économiques.
Quelles sont les prochaines étapes pour le Sink Tank ?
Après avoir pris le temps en 2022 de structurer l’association et de produire les premières notes fondatrices, toutes disponibles sur notre site internet, notre principal enjeu cette année est de donner le plus de visibilité possible à nos idées, notamment sur les réseaux sociaux.
Nous aimerions aussi nouer des collaborations avec d’autres think-tanks ou associations, par exemple pour les aider à vulgariser leurs publications.
Pour ceux qui veulent nous soutenir, rejoignez-nous sur les réseaux sociaux, et n’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus.