Les livres politiques de la rentrée 2023
Tous les mois, Émile vous propose de découvrir une série de livres abordant les questions politiques sous différents angles. Au programme de cette rentrée, une somme sur l’histoire politique de la France, une enquête sur les stratégies numériques de l’extrême-droite, un essai sur le futur des nouvelles technologies ou encore un roman mêlant amour et jeu politique. À lire !
Par Ryan Tfaily
Une histoire du conflit politique : élections et inégalités sociales en France, 1789 - 2022
Comment la structure des électorats français a-t-elle évolué au cours des deux derniers siècles ? Dans cet ouvrage, Thomas Piketty et Julia Cagé s’appuient sur un travail inédit de numérisation des données électorales et socio-économiques des 36 000 communes de France, couvrant plus de deux siècles.
Ils livrent une chronologie précise des comportements électoraux en France, et montrent la prégnance des variables socio-économiques dans la constitution des clivages politiques. Leur concept clé, « la classe géosociale » – un mélange entre la localisation sur le territoire et le niveau de richesse – permet de penser l’évolution de ces clivages.
Le livre invite surtout à porter un regard neuf sur la situation politique actuelle, à partir d’un certain recul historique. La tripartition de la vie politique actuelle est le fruit d’un long mouvement que les auteurs restituent.
Les auteurs
Julia Cagé est professeure d’économie à Sciences Po et chercheuse affiliée au Center for Economic and Policy Research (CEPR). Elle est spécialiste de l’histoire économique et de l’économie des médias. Elle a notamment publié Le prix de la démocratie, en 2018.
Thomas Piketty est économiste, directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et spécialiste des inégalités économiques. Il a notamment publié Le Capital au XXIème siècle.
Une histoire du conflit politique : élections et inégalités sociales en France, 1789-2022, Éditions du Seuil, 864 pages, 27€
Où va la France de Macron? Dynamique du capital et luttes sociales
De quoi Emmanuel Macron est-il le symptôme ? Dans cet ouvrage, le sociologue David Muhlmann nous livre une analyse sociologique et économique de la France contemporaine, sur une base de faits qualitatifs et quantitatifs solidement établis.
Il revient sur les années 2000 qui ont marqué un tournant pour le pays. Ses caractéristiques économiques, la morphologie des mouvements sociaux ou encore la physionomie du personnel politique et de ses objectifs ont été modifiés. La France est entrée dans l’ère de la mondialisation. L’industrie nationale est durablement affaiblie, les luttes sociales ne sont plus réductibles à la lutte ouvrière, et la gauche s’est progressivement alignée sur la conservation de l’ordre social.
David Muhlmann s’attelle à décrypter cette nouvelle réalité socio-économique, politique et idéologique, celle d’un pays dont la locomotive est constituée par le secteur financier et celui des services, dans le cadre d’un État activant à la fois la libéralisation de l’économie et l’autoritarisme répressif à l’encontre des perdants de la mondialisation.
L’auteur
David Muhlmann (promo 97) est docteur en sociologie, consultant en stratégie d’entreprise et enseigne à Sciences Po. On lui doit notamment, aux Presses universitaires de France, Capitalisme et colonisation mentale (Puf, 2021), et Lénine en son temps. Politique du moment opportun (Puf, 2022).
Où va la France de Macron ? Dynamique du capital et luttes sociales, Presses universitaires de France, 256 pages, 18€
Pourquoi l'extrême droite domine la toile : le grand remplacement numérique
D’où viennent les comptes d’extrême-droite sur les réseaux sociaux ? Agissent-ils de manière structurée ? Quels sont leurs buts ? C’est à toutes ces questions que Achraf Ben Brahim propose de répondre dans cette grande enquête sur les liens entre web et extrême-droite.
À partir d’entretiens avec des leaders d’opinion, de traçages de comptes et d’étude de discours, l’auteur analyse la stratégie numérique de l’extrême droite. Il montre comment cette mouvance a adopté des techniques rodées pour envahir les réseaux sociaux. Cibles, financements, figures influentes, raid numérique… Achraf Ben Brahim décrypte le plan de « la fachosphère ».
Il s’attache enfin à documenter les conséquences de cet assaut numérique : l’imposition de débats, de thèmes et d’idées d’extrême-droite dans l’espace public. Laissant en suspens la question d’un éventuel succès électoral au niveau national.
L’auteur
Achraf Ben Brahim (promo 23) est diplômé de l’École de guerre économique et de Sciences Po. Ancien ingénieur du ministère de l’Intérieur, il est entrepreneur et consultant dans le secteur du numérique. Il a également publié L’emprise (2016) et Encarté (2015).
Pourquoi l’extrême-droite domine la toile : le grand remplacement numérique, l’Aube, 112 pages, 14€
La Haine de l’antiracisme
Dans cet essai, Alain Policar propose une réflexion sur les origines des critiques de l’antiracisme. Sa thèse est la suivante : historiquement située à droite, la haine de l’antiracisme est désormais portée par une génération d’intellectuels qui se revendiquaient de gauche : Alain Finkielkraut, Pierre-André Taguieff, Nathalie Heinich…
Comment se fait-il que ces penseurs auparavant situés à gauche critiquent désormais de manière aussi virulente l’antiracisme et les nouveaux combats portés par la gauche ? L’auteur analyse le glissement de ces intellectuels médiatiques, et l’introduction dans le débat public de nouveaux anathèmes : « islamo-gauchisme », « wokisme », néoféminisme ».
Il s’inscrit enfin dans les débats contemporains autour des visions de la République, et de l’universalisme. Alain Policar plaide pour un universalisme renouvelé, qui pense l’unité du genre humain.
L’auteur
Politologue, Alain Policar (promo 11) est chercheur associé au Cevipof. Ses travaux portent sur l’histoire de la pensée sociologique ainsi que sur la citoyenneté, l’immigration et l’intégration. Il a publié en 2018 Comment être cosmopolite ?
La Haine de l’antiracisme, Textuel, 144 pages, 18€
Sapiens et le climat, une histoire bien chahutée
Comment les bouleversements climatiques ont-ils affecté l’évolution de l’Homme depuis le paléolithique ? Dans cet essai polémique, Olivier Postel-Vinay explore les relations entre l’Homo sapiens et le climat, et nous invite à réfléchir à l’impact des catastrophes sur l’humanité.
En remontant l’histoire, on apprend que Sapiens affronta les premières méga-sécheresses de l'histoire de l'humanité, que la civilisation romaine fut emportée par un changement climatique majeur, et que les Vikings s'installèrent, à la faveur d'un optimum médiéval pendant quelques centaines d'années, au Groenland – qui fut un jour « vert ».
D’après l’auteur, dont certaines thèses ont été critiquées par des membres du GIEC, chaque crise climatique peut contraindre l’Homme à une forme de résilience potentiellement féconde. Les bouleversements climatiques joueraient ainsi un rôle moteur dans l’histoire de l’humanité.
L’auteur
Olivier Postel-Vinay (promo 73) a longtemps été journaliste, notamment au magazine scientifique La Recherche, et à Libération. Il est également fondateur du magazine Books. Essayiste controversé, il a publié des ouvrages polémiques sur le changement climatique.
Sapiens et le climat, une histoire bien chahutée, Presses de la Cité, 352 pages, 21€
Souriez, vous êtes filmés ! Plaidoyer pour une surveillance d’État
Faut-il nécessairement voir dans l'accélération des avancées technologiques et de la vidéosurveillance un échec pour la démocratie et l’humanité ? Robin Rivaton pense que non.
Dans cet essai, Robin Rivaton prend le pari d’une approche pragmatique sur la technologie : celle-ci s’impose et va, de toute évidence, continuer à s’imposer à nous, sans que ni les individus ni les États ne puissent empêcher le processus. « L’homme était jadis un loup pour l’homme. Il sera bientôt une loupe pour ses semblables », écrit-il.
Or, selon lui, il est possible de se servir de ces progrès pour faire avancer l’humanité, dans tous les domaines : écologie, justice, criminalité… Des villes plus propres, des incivilités qui baissent, des tribunaux désengorgés : voilà les potentialités, entre autres, qu’offrent la technologie et la vidéosurveillance utilisées à bon escient.
L’auteur
Robin Rivaton (promo 11) est un entrepreneur, essayiste libéral et membre du Conseil scientifique de la Fondapol. Il a notamment publié L’immobilier demain : la Real Estech, des rentiers aux entrepreneurs.
Souriez, vous êtes filmés ! Plaidoyer pour une surveillance d’État, l’Observatoire, 207 pages, 20€
Insurrection
Insurrection est un roman au croisement de l’amour et de la politique. Adèle Gautier, une étudiante en droit à Paris, militante féministe, décide de s’engager dans la campagne municipale du 8ème arrondissement de Paris. Elle tombe alors amoureuse du candidat adverse, le jeune et magnétique Guillaume Leroy. Le livre nous plonge dans cette relation secrète et singulière qui se noue, au fur et à mesure des intrigues politiques et des rebondissements électoraux.
Ce roman d’amour, de psychologie et de politique nous invite ainsi à réfléchir sur le sens de nos engagements, la frontière entre vie privée et publique, nous renvoyant à cette question profonde : l’amour transcende-t-il les convictions personnelles ? En arrière-fond de l’ouvrage, le théâtre politique expose le lecteur aux coulisses du pouvoir.
Le dilemme d’Adèle Gautier, entre son histoire d’amour, ses convictions humanistes et ses ambitions personnelles, raconte une tension universelle entre le cerveau et le cœur. Une tension d’autant plus intéressante à explorer à l’heure des sociétés ultra polarisées.
L’auteur
Anthony Samama (promo 16) est adjoint au maire du 15ème arrondissement de Paris, chargé de la tranquillité publique, de la prévention et de la police municipale. Insurrection est son premier roman.
Insurrection, Ramsay, 260 pages, 19€