Luis Vassy  : "Notre chemin est celui de la liberté d’expression"

Luis Vassy : "Notre chemin est celui de la liberté d’expression"

Luis Vassy (promo 01) a pris ses fonctions de directeur de Sciences Po le 1er octobre dernier. Cet ancien diplomate a un projet ambitieux pour l’école de la rue Saint-Guillaume. Il en dessine ici les contours. 

Propos recueillis par Bernard El Ghoul (promo 99) et Maïna Marjany (promo 14)

Quelles sont vos premières impressions en tant que nouveau directeur de Sciences Po ?

Luis Vassy (promo 01), nouveau directeur de Sciences Po. (Crédits : Claude Vittiglio / Sciences Po)

Mes impressions sont excellentes. Dans la presse, on lit beaucoup que Sciences Po a des défis à surmonter – et je crois qu’ils sont réels, il ne faut pas le nier. Mais ce qui est frappant lorsqu’on se balade sur les campus, comme je le fais depuis mon arrivée, c’est le caractère extrêmement paisible et studieux de l’atmosphère à Sciences Po. Nous avons parfois un peu de mal à faire valoir cette image à l’extérieur, même si cela commence à aller mieux depuis le début du mois de novembre. 

En parlant d’image, comment expliquez-vous l’emballement médiatique de ces derniers mois autour de Sciences Po ?

Il y aurait sans doute énormément de manières de l’expliquer. Une façon positive est de dire qu’il s’agit de la rançon du succès : si nous n’avions aucun impact, personne ne s’intéresserait à ce qui se passe à Sciences Po.

Nous pouvons regretter que l’école soit l’objet d’attaques virulentes ou de fascination, mais nous devons en tenir compte dans la manière dont nous construisons notre rapport à l’opinion publique et aux Français qui nous financent. Nous devons démontrer ce qu’on fait réellement à Sciences Po : former des savoirs par la recherche et les transmettre par l’enseignement. Nous sommes une institution académique et ceux qui nous observent, y compris avec bienveillance, attendent que nous le soyons pleinement. 

Il faut qu’on apprenne à se défendre quand il y a matière à se défendre, notamment lorsque l’on est injustement attaqué, ce qui peut arriver. Toutefois, une stratégie exclusivement défensive ne peut pas fonctionner durablement, parce qu’elle donne l’impression qu’on n’écoute pas une partie des critiques qui sont faites à l’extérieur, ce qui a pour effet de les accroître. Il faut donc parvenir à prendre le contrôle, en quelque sorte, du narratif. Montrer la grande diversité des points de vue ici.

« Il faut montrer nos étudiants pour ce qu’ils sont : des jeunes engagés sur une multiplicité de sujets et pas seulement ceux qui font l’actualité. »

Depuis que je suis arrivé, j’ai vu, par exemple, des étudiants engagés dans la lutte contre le cancer pendant tout le mois d’octobre, pour le climat, pour l’égalité des chances, et bien d’autres sujets. Sur les différents campus, les étudiants gèrent des médias dont le niveau est excellent. J’ai eu à me prêter à leurs interviews qui sont toujours très exigeantes, pertinentes et très professionnelles ! Au-delà des savoirs qui sont créés à Sciences Po, il faut également montrer nos étudiants pour ce qu’ils sont : des jeunes engagés sur une multiplicité de sujets et pas seulement ceux qui font l’actualité.

Comment comptez-vous allier à la fois liberté d’expression et respect de l’ordre au sein de l’école ?

Ce sujet est vraiment au cœur de ce que doit être l’identité de Sciences Po ; je l’ai dit et je continuerai de le dire, la liberté d’expression doit être un des fondements de notre identité, y compris par rapport à toutes les hésitations, tous les débats qu’il peut y avoir outre-Atlantique. Je pense que notre chemin est celui de la liberté d’expression. Celle-ci s’inscrit dans un cadre qui, bien évidemment, ne doit pas donner place à une forme d’imposition violente de son point de vue, soit par le nombre, soit par les modalités d’expression, soit par la tentative d’éteindre les opinions adverses. Ainsi faut-il en permanence combiner liberté d’expression et quête du pluralisme. Si nous n’arrivons plus à faire vivre le pluralisme, il n’y aura pas vraiment de liberté d’expression.

« La liberté d’expression s’inscrit dans un cadre qui, bien évidemment , ne doit pas donner place à une forme d’imposition de son point de vue. »

Avec les équipes de Sciences Po, je voudrais être le garant de cette liberté d’expression. Et je sens un très large consensus autour de cette idée. Simplement, il faut ensuite en comprendre les déclinaisons pratiques, c’est-à-dire des choses très simples comme ne pas imposer des affichages monothématiques sur l’ensemble des espaces, ne pas prendre possession des espaces physiques de manière autoritaire, en donnant l’impression qu’on fait reculer les autres opinions… À aucun moment, il ne s’agit d’interdire une opinion à Sciences Po – dès lors qu’elle est légale, bien sûr –, mais de trouver des modalités pour qu’elle s’exprime sans chercher à écraser les opinions adverses.

Je note avec satisfaction que la justice administrative, encore récemment le Conseil d’État, a toujours donné raison à Sciences Po dans cet équilibre que nous recherchons. C’est une bonne chose, car cela confirme que notre institution est un acteur à part entière de l’État de droit en France. Il y a tant de pays où la liberté est limitée, où les écrivains sont poursuivis ou chassés, où les étudiantes sont brimées lorsqu’elles ont le courage de résister à l’oppression, comme en Iran. Sciences Po peut s’enorgueillir d’être libre.

Dans votre projet de rénovation pour l’école, vous intégrez la dimension liée au bouleversement du monde. De quelle manière le prévoyez-vous ?

Dans mes fonctions passées, orientées vers le reste du monde, j’ai pu me forger un diagnostic. La rupture et la brutalité sont là. J’estime qu’il ne faut pas aborder les grandes ruptures internationales comme des raisons de désespérer, mais plutôt comme des sujets sur lesquels il y a des enjeux de soutenabilité associés en creux. Ainsi, nous devons former nos étudiants pour qu’ils puissent être des leaders actifs. Nous allons évidemment regarder avec le corps enseignant, les académiques, comment définir un programme intellectuel à partir de deux thématiques qui me semblent intéressantes à creuser. 

D’une part, les impérialismes. Si nous voulons comprendre les nouvelles recompositions du monde, nous devons comprendre les logiques expansionnistes. L’impérialisme occidental, la manière dont il a colonisé une partie de la planète, est étudié de longue date à Sciences Po, c’est une richesse. Il y a d’autres formes d’expansionnisme et d’impérialisme qui ont existé et qui mériteraient qu’on les étudie puisque, manifestement, elles sont en train de revivre. Nous devons le comprendre si on veut pouvoir y répondre. 

D’autre part, un sujet qui me tient particulièrement à cœur est celui de la démocratie. Nous devons comprendre que l’aventure démocratique n’est pas le propre de l’Occident. Au « Sud global », terme qui me semble trop englobant, je préfère la question du « Sud démocratique ». Nous ne devons pas rester enfermés dans un rapport exclusivement transatlantique dans lequel on se regarde avec les Américains pour voir qui a raison sur ces questions-là. Mon premier déplacement en janvier se fera en Inde, à Singapour et à Taïwan. Nous avons beaucoup à y faire.

Vous appelez à une refondamentalisation des enseignements. De quoi s’agit-il ?

Exactement. Un tronc commun renforcé, des compétences méthodologiques et quantitatives renforcées également. J’en discute en interne, mais je plaide fortement pour qu’on accroisse les enseignements quantitatifs à Sciences Po. Je pense que ça n’a historiquement pas été le fort de cette école, mais il est difficile de naviguer sans eux dans le monde actuel. 

« L’idée est de renforcer le tronc commun, notamment les compétences méthodologiques et quantitatives. Je plaide fortement pour qu’on accroisse les enseignements quantitatifs à Sciences Po. »

L’autre solution, comme d’autres institutions d’enseignement supérieur, serait de faire de la spécialité « maths » une obligation pour entrer à Sciences Po. Je ne souhaite vraiment pas qu’on suive cette voie, parce que je pense qu’on doit accueillir toutes les formes d’excellence individuelle. En revanche, notre responsabilité, une fois qu’on a admis les étudiants, est de les armer au mieux pour aborder un monde du travail qui se prêtera peu au fait de n’avoir aucune compétence en matière quantique.

Est-ce que vous seriez vous-même prêt à enseigner ?

J'ai tout à fait l'intention de prendre un enseignement dès le semestre de printemps si cela peut rentrer dans une maquette, j’en ai fait la demande. Je veux être au contact des étudiants et aussi comprendre la réalité des enseignants. Encore une fois, je le ferais avec beaucoup de modestie, en partant plutôt de la pratique qui a été la mienne pendant 20 ans en matière diplomatique. 

Vous souhaitez remettre l'excellence académique au cœur du projet de rénovation pour Sciences Po. Comment cela doit-il se traduire ?

Notre force n’est pas notre taille, nous le savons. Là aussi, on doit faire ce qu'on a toujours fait : être plus innovant, plus rapide et plus agile. Je pense que cela passe par l'adaptation, au niveau bachelor notamment, du cursus et des compétences qu'il faut transmettre aux étudiants. Historiquement et aujourd’hui encore, Sciences Po a beaucoup insisté sur les compétences de rédaction, de synthèse, d'analyse. Je ne dis pas qu'elles sont inutiles, je pense qu'elles sont très utiles à titre individuel et sur le plan cognitif. C'est évidemment bien de savoir synthétiser, analyser et rédiger. Mais si on est lucides, ce sont des compétences qui vont être fortement challengées, sur le plan professionnel, par l'intelligence artificielle. On estime que 60 % des étudiants à l’université utilisent déjà l’IA pour appuyer leurs produits de rédaction. Nous devons en tenir compte. 

« Sciences Po a beaucoup insisté sur les compétences de rédaction, de synthèse, d’analyse. (...) Si on est lucides, ce sont des compétences qui vont être fortement challengées, sur le plan professionnel, par l’IA. »

Nous avons de bonnes armes pour aller au-delà à Sciences Po. Il faut chercher dans les méthodes scientifiques en sciences sociales – peut-être même du côté de l'épistémologie – des capacités, des compétences qui sont plus profondes d'une certaine manière, c’est-à-dire être capable de détecter l'artificialité d’une IA ou des hallucinations. Pour cela, il faut être capable de dresser les hypothèses, de les confronter à des faits, de construire des données plutôt que de simplement les lire, de savoir douter, de raisonner d'une manière un peu particulière. Cela demande des skills méthodologiques très fortes et des savoirs très profonds car, pour détecter quelque chose de faux, il faut savoir beaucoup de choses vraies. C’est ainsi que j’ai proposé (comme tous les autres candidats à Sciences Po) un renforcement assez assumé du tronc commun au bachelor.

Ensuite, au niveau master, il y a la nécessité de coller au plus près des besoins des recruteurs. Je propose notamment qu’on prenne à bras le corps les enjeux de transition écologique et climatique, en ouvrant une nouvelle école qui traiterait de ces sujets. Je pense que les étudiants en bénéficieraient sur le plan des débouchés professionnels.

Justement, vous avez également des objectifs de refonte de la procédure d’admission. Quelles en sont les grandes lignes ?

C’est vraiment le sujet qui déchaîne les passions et de nombreuses institutions se posent ces questions. Le MIT, par exemple, est en train de revenir sur l’idée de recruter uniquement sur dossier. Ma posture n’est pas de critiquer ce qui a été fait auparavant, mais consiste à noter que chaque procédure a ses défauts.

À première vue, le contrôle continu semble plus bienveillant que l’examen. Mais, je le dis en tant que père, il y a une forme de brutalité dans un système qui, dès la seconde, va regarder chacune de vos notes. Par ailleurs, le développement de l’intelligence artificielle nous amène à nous interroger sur la pertinence d’un dossier constitué autour de lettres de motivation. Il y a aussi un défaut de biais social, puisqu’on peut être aidé par sa famille pour rédiger ces lettres, et des sociétés se sont même spécialisées en la matière !

« Nous avons besoin d’un instrument qui permette d’évaluer de manière homogène l’ensemble de nos étudiants. »

J’ajoute un dernier cas qui me tient à cœur, c’est celui des enfants neuro-atypiques, qui ne peuvent pas justifier de capacités sociales, d’engagement si fortes. Peut-être qu’à 16 ans, ils ne les ont pas encore, peut-être qu’à 22 ans, ils les auront ; est-ce qu’on veut se priver d’eux si ce sont des jeunes brillants sur le plan scolaire, qui ont des qualités personnelles de persévérance, de courage ? Je ne le pense pas. Je voudrais donc ouvrir ce type de réflexions sur les qualités que nous recherchons à Sciences Po.

Nous avons également besoin d’un instrument qui permette d’évaluer de manière homogène l’ensemble de nos étudiants. Ce qui aurait dû être le cas dans la procédure qui a été créée à Sciences Po si les épreuves nationales du baccalauréat avaient bien eu lieu en mars, mais ça n’a été le cas qu’une seule année. Aujourd’hui, si le dossier est exclusivement un dossier de contrôle continu, c’est aussi parce que ces épreuves sont passées en juin. 

Comment voyez-vous la place de la diversité sociale et géographique dans l’institution ?

Nous ne devons évidemment renoncer ni à l'un ni à l'autre, et je ne ferai jamais partie de ceux qui opposent excellence et ouverture sociale, pour des raisons personnelles évidentes. Par ailleurs, c’est une conviction : des enfants intelligents se trouvent dans tous les milieux sociaux et c'est à nous de trouver la modalité de test qui soit la moins discriminante possible sur le plan social. On a de la chance car de nombreuses recherches ont été menées sur ce domaine-là par des spécialistes des sciences de l'éducation. Bien évidemment, on ne retournera pas à la dissertation de culture générale que l'on a pu connaître, et c'est très bien comme ça. En revanche, ça n'enlève rien au fait qu’avoir un objet homogène d’évaluation doit être un impératif. D'ailleurs, il n'y a aucune institution universitaire de notre rang qui fasse sans, à vrai dire, et celles qui ont commencé à faire sans, sont en train de revenir en arrière pour les raisons que j'évoquais. 

« Des enfants intelligents se trouvent dans tous les milieux sociaux et c’est à nous de trouver la modalité de test qui soit la moins discriminante possible sur le plan social. »

Quant à la procédure internationale, évidemment, on ne va pas « désinternationaliser » Sciences Po, bien au contraire. Je note que, malheureusement, la nouvelle procédure a fait baisser le nombre d'élèves issus des lycées français étrangers, qui sont à deux tiers des étrangers. Paradoxalement, on a fait reculer cette partie de l'international qui a pourtant été particulièrement bien préparée à venir à Sciences Po grâce à une double culture et une compréhension de la France tout en étant très ouverte à l’international. Pour 2025, mon intention est de ne pas toucher au système d’admission internationale parce que c’est trop tôt pour créer un système qui couvre l’ensemble des filières. Je propose également que les CEP restent en dehors de la réforme de l’année prochaine pour nous laisser le temps de réfléchir et de lancer un nouveau système en 2026. 

Les plus anciens campus en région vont bientôt avoir 30 ans. Comment les projetez-vous dans l'avenir ?

D'abord, je crois que ce sont des outils merveilleux. Contrairement à ce qu’on peut imaginer, ils ne pèsent pas sur le modèle économique de Sciences Po donc on ne les abordera pas par la question du modèle économique mais surtout par la substance.

En revanche, j’ai l’intuition que la spécialisation géographique correspond davantage à l’époque de la mondialisation heureuse. Ce monde n'existe plus vraiment. Je propose non pas de les supprimer, mais de réinterroger le système en vérifiant s'il n'y a pas d'autres thématiques de spécialisation qui pourraient valoir la peine. Je pense notamment au numérique, aux questions internationales – y compris de sécurité internationale – ou bien aux sujets environnementaux et climatiques. Une fois qu'on a posé cela, on aura le temps de réfléchir. Dans l’immédiat, la priorité est vraiment de faire vivre l'unicité de Sciences Po. La refondamentalisation des enseignements va aussi permettre, peut-être en rendant les maquettes plus claires, de faciliter l'homogénéité des enseignements sur la partie tronc commun et ensuite de réfléchir aux voies de spécialisation sur les campus. 

Pouvez-vous faire un point sur la situation financière de Sciences Po ? Avez-vous observé, comme on a pu le lire dans la presse, des chutes massives des dons à l’école et la fin de partenariats-entreprises ?

Luis Vassy (promo 01), nouveau directeur de Sciences Po. (Crédits : Claude Vittiglio / Sciences Po)

La situation est difficile, il ne faut pas le nier, mais nous pouvons la surmonter et repartir de l’avant. Les deux ou trois semaines suivant mon arrivée, j’ai eu le sentiment qu’on était passé, dans certains milieux habitués à avoir des partenariats avec Sciences Po, d’une forme d’hostilité à de l’attentisme, ce qui est en soi un progrès ! J’aimerais démontrer que Sciences Po va dans la bonne direction et que c’est avec Sciences Po qu’il faut construire des partenariats intellectuels et académiques.

D’un autre côté, j’ai cette conviction très forte qu’il faut cesser d’accroître les frais de scolarité, parce que cela fait peser un risque sur le modèle intellectuel de Sciences Po. Comme la dotation publique ne pourra pas augmenter, j’en profite pour faire un appel ici à nos anciens, à nos partenaires économiques, pour qu’ils viennent s’intéresser à ce que nous sommes en train de changer et de reconstruire à Sciences Po, leur dire que les fondamentaux sont extrêmement forts et qu’avec du soutien, on peut vraiment être le lieu où l’on pense les grands défis du monde contemporain dans l’intérêt des entreprises. Elles ont en effet besoin d’un endroit où l’on pense les ruptures internationales, parce qu’elles y sont bien souvent confrontées, où l’on pense les transformations du travail – nous avons la meilleure sociologie des organisations en France –, où l’on pense la situation économique française et mondiale. C'est peu connu, mais nous avons l'un des meilleurs départements d'économie en Europe et au monde, en à peine 15 ans. C'est un des plus grands succès de Sciences Po d'avoir créé ce département d'économie et de l’avoir fait monter au niveau mondial en si peu de temps.

Si on regarde au-delà des polémiques récurrentes et, encore une fois, il ne s’agit pas de nier les difficultés, il faut aussi voir l’extrême qualité de ce qui est produit ici en termes de savoirs. Il y a un potentiel de partenariat qui est vraiment considérable et qu’on ira rechercher, dès lors que la situation est en cours d’apaisement, ce que je constate d’ores et déjà.

C’est le message que vous adressez à ceux qui disent : « Je ne recruterai plus de Sciences Po, ce sera le meilleur moyen de faire évoluer l’école… » ?

Ça n’a pas de sens ! On a des étudiants merveilleux et il ne faut pas s’arrêter au désagrément de telle ou telle vidéo sur X. Évidemment, il faut continuer de recruter des étudiants de Sciences Po, ils sont excellents. Je veux faire passer le message que Sciences Po est une fierté française, il s’agit de la seule université de sciences humaines et sociales qui soit autant internationalisée en France, peut-être même en Europe. Elle accueille des étudiants du monde entier, mais aussi des chercheurs et des enseignants dans des proportions sans équivalent dans le reste du pays. 

« Sciences Po est une fierté française, il s’agit de la seule université de sciences humaines et sociales qui soit autant internationalisée en France, peut-être même en Europe. »

Côté financement public, comment voyez-vous l’avenir ?

Le dialogue est renoué avec toutes les collectivités locales. Quand je me déplace en région, je les rencontre également. Je pense qu’elles voient toutes le caractère positif de cette présence de Sciences Po dans les régions. C’est vraiment un plus d’avoir des étudiants du monde entier, de très haut niveau, présents dans cette diversité de territoires. Donc je n’ai pas de doute sur le fait que ces partenariats soient maintenus, voire se développent. Là encore, je pense que la présence de Sciences Po dans les régions doit être une source de fierté.

« Aucune université de rang mondial digne de ce nom ne vit à côté de ses alumni. »

Quelle place souhaitez-vous accorder aux anciens élèves au sein de Sciences Po et, en particulier, à l’association des diplômés, qui va fêter ses 150 ans en 2025 ?

J’ai d’abord pris l’initiative d’être présent, dès les premiers jours, au conseil d’administration de Sciences Po Alumni, car cette relation est essentielle. Aucune université de rang mondial digne de ce nom ne vit à côté de ses alumni. Il faut que ce partenariat se maintienne et se renforce dans les mois qui viennent ; j’aurai à cœur de leur présenter mes projets pour Sciences Po. J’espère, et je sens, qu’ils rencontreront des échos positifs. Cela passe bien sûr par des rencontres et par un investissement des alumni dans la vie de Sciences Po, notamment auprès des étudiants, pour les accompagner professionnellement, pour les aider. Cela passe aussi par du soutien aux projets que nous allons construire.

Du côté de Sciences Po, je pense qu’il est nécessaire de rendre les contenus et les savoirs que l’on développe plus accessibles à nos anciens élèves. Peut-être via des séminaires, des enseignements qui leur soient réservés. Il existe bien évidemment un lien affectif, mais il faut aussi faire vivre le lien intellectuel entre Sciences Po et les alumni. J’espère qu’ils auront envie de soutenir leur alma mater. Nous avons également un certain nombre d’anciens qui reviennent enseigner dans notre école. C’est très précieux d’avoir cette conjonction des savoirs pratiques et des savoirs théoriques et les alumni sont spécifiquement bien placés, puisqu’ils comprennent toute la richesse de cette association des deux. 

« Il faut se souvenir des fondamentaux que je résume en trois mots : excellence, liberté et ouverture. »

Avez-vous un dernier message à faire passer ?

Sciences Po change et continuera de changer. Je le découvre, Sciences Po n'est plus du tout celui que j'ai fréquenté mais il est merveilleux. Il faut se souvenir des fondamentaux que je résume en trois mots : excellence, liberté et ouverture. Ils seront le cœur de notre programme. J'espère que les alumni seront enthousiastes comme je le suis, comme les étudiants le sont, à l'idée de suivre cette aventure qui est quand même merveilleuse depuis 150 ans, en espérant qu’elle se poursuive pendant au moins 150 ans encore !

Cet entretien est la version longue de l’interview de Luis Vassy publiée dans le numéro 31 d’Émile, paru en décembre 2024.


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