À Paris, Marine Rosset (PS) “chausse ses crampons” pour une Rive Gauche progressiste

À Paris, Marine Rosset (PS) “chausse ses crampons” pour une Rive Gauche progressiste

Émile part en campagne ! À l’occasion de ces législatives anticipées, le magazine suit six candidats, passés par Sciences Po, qui représentent les principaux partis en lice. Dans le Ve arrondissement, nous retrouvons Marine Rosset (promo 10), investie par le PS et le Nouveau Front Populaire.

Par Alexandre Thuet Balaguer et Ninon Bonnet de Paillerets

Marine Rosset (promo 10), candidate Parti Socialiste, investie par le Nouveau Front Populaire, dans la 2e circonscription de Paris. (Crédits : Alexandre Thuet Balaguer)

Place de la Sorbonne, au café Les Patios, une centaine de soutiens sont regroupés autour de la candidate à la 2ème circonscription pour le PS sous l’égide du Nouveau Front Populaire, Marine Rosset. La fin de son discours est interrompue par des applaudissements. Dans ce creux, une militante entonne le début de L’Internationale ; celle-ci n’est pas suivie, si ce n’est par quelques rires. Son intervention se clôt. Les militants profitent de l’apéro : jambon cru, baguette découpée, coupes de vins à remplir… Sur les tables sont disposées des affiches d’un rose clair, où le logo du PS pavoise bien plus distinctement que ceux des autres partis.

Car ici, l’héritage des éléphants n’encombre pas tant. Un passant moque le bilan d’Anne Hidalgo à la tête de la ville : « ils ont détruit Paris et ils pensent sauver la France. » Personne ne s’arrête sur la critique. On ne comprend pas le sentiment de trahison à l’égard de la gauche dans le pays. Un jeune professeur d’histoire, adhérent PS, défend les politiques sociales de François Hollande. « Ses lois travail ont été mal présentées. On a eu un vrai problème de communication. Mais sur le fond, elles étaient du côté des salariés. Regardez, les gens dans les TPE-PME ont pu se syndiquer ! », se réjouit-il. Avant d’entamer à notre égard un cours sur la « chambre introuvable de Louis XVIII », ou plutôt comme il l’explique en aparté à un serveur : « j’ai donné une leçon de politique à ces nuls de journalistes ! » Beaucoup appartiennent à une gauche intellectuelle bourgeoise, sociale-libérale, dans un Ve arrondissement où, en 2020, selon l’Insee, plus de 55 % des habitants étaient des cadres.

Socialisme bourgeois bohême

Les figures de Carole Delga ou encore de Nicolas Mayer-Rossignol, dissidentes au sein du parti, sont érigées en égéries pour leurs critiques du Nouveau Front Populaire. Une ancienne élue de l’arrondissement nous confesse : « Mélenchon est un poids. Il tape plus fort sur la gauche que sur le RN. En s’alliant avec des ennemis, pour gagner cent voix dans des bureaux de vote, il nous fait bien mal ». Les ambiguïtés du leader de LFI sur fond de clientélisme coûtent. Récemment, Jérôme Guedj, député PS sortant de l’Essonne, a refusé l’investiture de l’alliance. Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon l’avait accusé d’avoir « renié les principes les plus constants de la gauche du judaïsme », le ramenant à sa religion. « Je suis un universaliste ! » avait scandé en réponse dans Le Monde le compagnon de route de l’ancien ministre sous Jospin, qui avait révisé l’ENA dans son bureau.

La candidate, avec ses militants, posant collectivement devant la coupole de la Sorbonne (Crédits : Ninon Bonnet de Paillerets)

Sur ce point, Marine Rosset est claire : « depuis le 7 octobre, des gens qui se revendiquent de la gauche ont des positions inacceptables ». Avant d’entériner : « Jean-Luc Mélenchon n’est pas antisémite. Mais trois points, ça fait une ligne ». Celle qui a soutenu Raphaël Glucksmann pendant la campagne des européennes s’aligne sur sa rhétorique : le débat public a connu une « brutalisation », dont est coupable autant le RN qu’une partie de La France Insoumise. « Mais le Nouveau Front Populaire n’est pas une nouvelle NUPES ! », nous assure-t-elle. « La dernière fois, l’enjeu pour le PS, c’était sa survie. Maintenant, LFI est bien moins hégémonique et l’on entre dans des logiques de compromis, où chacun garde son identité propre ». Notamment, sur l’Europe, où le soutien à l’Ukraine « n’est plus contesté ».

« Le Nouveau Front Populaire n’est pas une nouvelle NUPES ! (...) LFI est bien moins hégémonique et l’on entre dans des logiques de compromis. »
— Marine Rosset

Pourtant, la distinction ne jaillit pas aux yeux de l’électorat de la circonscription. « Certains sont perdus et m'appellent pour me demander conseil », glisse l’élue du Ve. Car, face à elle, la dispersion ronge le centre et la droite. Le territoire à cheval sur trois arrondissements ne compte pas moins de 12 candidats. La droite est éclatée, Renaissance divisé. Le parti de la majorité présidentielle a préféré Jean Laussucq ancien élu, ayant été directeur du cabinet de l’ancienne maire du 7ème arrondissement, Rachida Dati, aujourd’hui ministre de la Culture, à Gilles Legendre, député sortant. Ce grognard de la macronie se présente en dissident. Marine Rosset n’oublie pas que ce dernier a voté « pour une diminution des APL, une suppression de l’ISF ».

Devant cet éparpillement, des espoirs de triangulaire fleurissent. Avec elles, la possibilité de voir gagner la gauche dans une circonscription redessinée en 2012 par Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, pour être favorable à François Fillon. Mais comme elle l’explique avec humour : « la droite a fait campagne en chausson, moi j’ai des crampons ! »

Militer pour défendre le droit d’exister

Bien agrippée, elle le reste, pour protéger « les droits des femmes, des homosexuels, le droit à avorter », mis en péril par « la peste brune » du Rassemblement national. « Les gens votent aussi pour des valeurs, pas seulement pour le pouvoir d’achat », selon Marine Rosset, pour qui l’argument moral de la lutte contre l’extrême droite n’est pas éculé.

Émue, devant la foule unie de militants, l’ancienne professeure se livre : « le retour en campagne a été plus rapide que prévu. J’ai un enfant qui a un an et demi, et un seul pantalon qui me va. Cet enfant a deux mères. Dans des pays déjà dirigés par l’extrême-droite, comme l’Italie, notre famille n’existerait pas », alors que le gouvernement de Giorgia Meloni demande de ne plus transcrire dans les actes de naissance les enfants nés par PMA.

Fracturée, polarisée, la société française se situe à un point de bascule. Mais qui en sont les responsables ? Du « marasme national » qu’évoquent ses soutiens, le « projet maléfique » de la dissolution présidentielle en demeure le catalyseur. Une ancienne élue PS en vient même à dire que « c’est le peuple que Macron a voulu dissoudre ». En référence à Bertold Brecht qui, à la suite des révoltes en RDA de 1953, se demandait s’il n’était pas « plus simple alors pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ».

« Emmanuel Macron a voulu dissoudre le peuple. »
— Une ancienne élue PS du Ve arrondissement

Marine Rosset ne condamne pas toutefois les électeurs RN, en rejetant une part de la charge sur son propre camp. « Il y a deux versants de ce vote. D’un côté, la colère, due au déclassement, à l’impossibilité d’accéder aux études… De l’autre, le racisme, la xénophobie. Or, c’est la gauche qui a cessé de dénoncer cette haine », détaille celle qui se place en rupture avec certains militants, reconnaissant l’échec d’une gauche de gouvernement.

L’école, ce berceau de la République

« Mais aujourd’hui, l’urgence, c’est l’extrême-droite », clame-t-elle. La question s’élève au-dessus de la mêlée et des divisions internes, secondaires. Le 30 juin, nous devrons trancher le sort même de notre République, affirme la candidate. Une République sociale, dont le creuset reste l’éducation, abîmée par les passages rue de Grenelle de Jean-Michel Blanquer et de Gabriel Attal : « ils ont voulu casser la classe, soit la première organisation collective de notre vie » par un “projet de compétition et d'uniformisation » mené  en accord avec la politique du choc des savoirs, visant à « trier les élèves ». Pourtant, l'école de la République symbolise toujours des valeurs de laïcité et d’émancipation ; libertés attaquées lors des assassinats de Samuel Paty et Dominique Bernard dans des attaques terroristes.

« Il faut reconstruire un récit contemporain de l’école. Sous la IIIe République, elle formait des citoyens éclairés. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle produisait de la matière grise qui accompagnait l’économie du savoir. Aujourd’hui, quel est le but de notre école ? », s’interroge-t-elle. La République, bien plus qu’un mot, se doit de s’engager pour sa survie existentielle.

Si elle parle avec autant de vigueur de sa nation, c’est parce que Marine Rosset en admire l’héritage humaniste, historique et socialiste. La « patriote du pays des droits de l’homme » se revendique de l’héritage « d’Albert Camus, de Missak Manouchian, de Victor Hugo ». Ces racines forgent son engagement. Étudiante, elle rejoint une hypokhâgne, avant de réaliser un master à Paris IV d’histoire sur la RDA et d’affaires publiques à Sciences Po. « J’y ai beaucoup milité, j’ai appris des choses », se souvient-elle. À 21 ans, elle prend sa carte au PS. 

« C’est aussi ça l’Histoire : la liberté. »
— Marine Rosset

En parallèle, son expérience de scout la guide vers l’enseignement. De l’histoire, sa passion. Capétienne, elle donne cours au collège puis au lycée en Seine-Saint-Denis. Dans ses souvenirs, l’ombre des tours n’obstruaient pas les vitres des salles de cours, et leurs perspectives d’émancipation : « C’est aussi ça l’Histoire : la liberté ». Ses élèves peuplent ses souvenirs, dont un en particulier, légèrement distrait. Elle se remémore : « on faisait un cours sur les moines au Moyen-Âge. En blaguant, un étudiant m’avait dit qu’il voulait entrer dans les ordres. En jouant son jeu, j’essayais de lui faire comprendre que ce serait contraignant, qu’il devrait changer de religion, renoncer à se mettre en couple… Mais rien n’y faisait. Il voulait devenir moine ! Jusqu’au moment où j’ai trouvé l’argument suprême : il devra faire vœu de silence ! Bien évidemment, ça l’a coincé… et il a renoncé à sa vocation. Plus sérieusement, c’est ça que j’aime dans l’Histoire : sa faculté à nous projeter en dehors de ce que l’on est ». De voir, là aussi, au travers des fenêtres de sa condition.



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