Félicité Herzog (LR), au creuset des ambitions de la "droite républicaine" parisienne

Félicité Herzog (LR), au creuset des ambitions de la "droite républicaine" parisienne

Émile part en campagne ! À l’occasion de ces législatives anticipées, le magazine suit six candidats, passés par Sciences Po, qui représentent les principaux partis en lice. Rencontre avec Félicité Herzog (promo 91), écrivaine et directrice chez Vivendi, soutenue par Les Républicains dans la 2e circonscription de Paris.

Par Alexandre Thuet Balaguer

Session de tractage de Félicité Herzog sur un marché du 7e arrondissement de Paris. (Crédits : Alexandre Thuet Balaguer)

Rachida Dati leur a déclaré la guerre. L’ancienne garde des Sceaux avait déjà franchi le Rubicon de la macronie, en acceptant le poste de ministre de la Culture. Pour ces législatives, elle a redonné un baiser de Judas à son ancien parti, les Républicains. À deux ans des municipales, la maire du 7e arrondissement place ses pions, pour recouvrir la ville de son hégémonie. Dans la 2e circonscription de Paris – historiquement très favorable à la droite – le parti présidentiel a investi un de ses proches, Jean Laussucq, son ancien directeur de cabinet. « Un ectoplasme », selon Francis Szpiner, sénateur et soutien de Félicité Herzog. « On ne le voit jamais au Conseil de Paris, il est toujours absent », dénonce l’ancien maire du 16e avant de s’attaquer ad hominem à la ministre de la Culture. « Dire que le bureau d’André Malraux est aujourd’hui occupé par Rachida Dati... De Malraux à Dati, vous voyez la descente aux enfers », se moque-t-il.

« Dire que le bureau d’André Malraux est aujourd’hui occupé par Rachida Dati... De Malraux à Dati, vous voyez la descente aux enfers. »
— Francis Szpiner, sénateur, ancien maire du 16e arrondissement de Paris

En s’engageant ainsi dans le jeu des divisions, la proche de Nicolas Sarkozy compose une nouvelle donne politique Rive Gauche qui pourrait profiter à la candidate du Nouveau Front Populaire Marine Rosset, le 7 juillet au soir, a fortiori dans le cas d’une triangulaire. « Dans ce moment-clé de l’Histoire de France, on ne doit pas faire confiance à une socialiste qui s’allie avec des rouges-bruns », enjoint impérialement Francis Szpiner.

Les étaux de Renaissance et du RN

Sur le socle de partis éclatés, les électeurs de la circonscription auront le choix entre 12 candidats, dont deux Renaissance, deux divers droite, un Rassemblement National et un Reconquête. Cette diversité laisse peu de place à Félicité Herzog, candidate de la « droite républicaine », qui souhaite « défendre les intérêts des 5e, 6e et 7e arrondissements ». Non-investie officiellement mais soutenue par la frange des Républicains qui a rompu avec Éric Ciotti. Car, entre eux aussi, la bataille est rude. Un militant pointe du doigt : « Rachida Dati a demandé à ses soutiens de nous troller sur les réseaux sociaux. On le voit parce que les comptes ont été créés en juin 2024. Personnellement, ça me fait plutôt rire. » Lors d’une session de tractage, elle s’insurge contre les « intimidations » perpétrées par une conseillère de Paris, proche de la maire du VIIe. « De toute manière, c’est ça la méthode Dati : tout est permis, sans retenue », souffle la candidate.

« Ça fait 22 ans que je suis favorable à cette droite de gouvernement. LR/RN, ce ne sont pas nos valeurs. »
— Un militant

Un constat qu’elle pourrait partager sur des membres de son propre camp. Depuis le vœu formulé par le chef du parti Éric Ciotti d’une alliance avec le Rassemblement National et la co-investiture de 62 candidats à l’échelle nationale, les réactions restent amères. « C’est une compromission honteuse. Mais chez les adhérents, près de la moitié soutiennent l’accord… », s’alarme un militant. Il poursuit : « moi, je suis engagé depuis mes 14 ans. Ça fait 22 ans que je suis favorable à cette droite de gouvernement. LR/RN, ce ne sont pas nos valeurs ». Félicité Herzog, entrée en politique à la suite des résultats des européennes du 9 juin, se solidarise de cette peur. « C’est aussi pour ça que j’ai voulu m’engager. Trois jours après la dissolution, j’étais très inquiète de la fin de notre droite républicaine », confesse la candidate.

« Trois jours après la dissolution, j’étais très inquiète de la fin de notre droite républicaine. »
— Félicité Herzog

Bien loin de l’arène politique, ses études rue Saint-Guillaume l’ont conduite vers le privé. D’abord assistante au Figaro, sa carrière prend un virage vers le capital-investissement dans plusieurs sociétés comme J.P. Morgan ou Madison Dearnborn Partners. Après avoir siégé dans plusieurs conseils d’administration, elle dirige depuis 2019 la stratégie et l’innovation chez Vivendi.

Mais sa renommée s’établit surtout en dehors de la sphère Bolloré, sur la scène littéraire. Félicité Herzog a publié quatre ouvrages, dont trois romans. Le premier, Un héros, désacralisait la figure de son père, l’alpiniste Maurice Herzog, aveugle sur la maladie de son fils. Député-maire de Chamonix, il s’était déjà engagé en politique après une carrière de sportif reconnue dans la vie publique française de l’après-guerre. Comme un air de famille…

Une droite bonapartiste

Dimanche après-midi, dans le restaurant Al-dente, rue de Varenne, une réunion publique regroupe près de 80 auditeurs, pour la plupart déjà encartés LR. François-Xavier Bellamy vient y apporter son soutien à la candidate : « Ici, la droite a décidé de ne pas baisser pavillon (…) Face à la faillite du macronisme, il nous faut une droite de gouvernement, claire avec ses valeurs ». Des « principes républicains » donc, mais lesquels ?

« Face à la faillite du macronisme, il nous faut une droite de gouvernement, claire avec ses valeurs. »
— François-Xavier Bellamy

S’il se réclame du gaullisme – à l’instar de nombreuses forces politiques françaises – un des responsables des Jeunes Républicains du 16e nous explique : « pour moi, la droite de gouvernement, c’est le conservatisme social ». Conservateurs, sur les thèmes sociétaux. Dernièrement, le projet de loi sur la fin de vie a été fortement décrié. Outre les objections morales, devant l’audience, le sénateur Francis Spizner détaille sa pensée : « si la dissolution ne l’avait pas écarté, j’aurais voté contre ce texte. Je suis contre la peine de mort. Or, si on va au bout de la logique, demain, c’est Salah Abdeslam qui pourra demander de l’aide pour se suicider parce que ses conditions de vie sont terribles, enfermé pendant 50 ans dans une cellule à la vue des caméras ». Économiquement aussi, le programme des LR appelle au sérieux budgétaire. Pour retrouver l’influence passée, il compte ramener la dette publique en-dessous des 100% du PIB. « Avec la gauche, c’est le Venezuela en un mois » qui attendrait le pays pour l’ancien maire du 16e.

Des positions qui s’inscrivent en héritage de la droite bonapartiste. Dans son célèbre essai sur Les Droites en France, l’historien René Rémond note une continuité, de 1815 à la Ve République, entre trois courants du bloc conservateur. Les orléanistes, libéraux, prônent le parlementarisme en s’appuyant sur les élites bourgeoises, à l’instar de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron. À l’inverse, les légitimistes, contre-révolutionnaires et anti-égalitaires, pourraient être assimilés au Rassemblement National pour leur conception organique. En d’autres termes, toute nation doit être préservée des menaces extérieures et de la division, lisant ainsi la lutte des classes comme un poison. Sise entre les deux, la troisième ligne bonapartiste – à laquelle s’apparentent les Républicains – consacre le peuple, par son unité autour d’un chef.

À la recherche du chef perdu

Réunion de campagne, entre Félicité Herzog et ses militants. (Crédits : Alexandre Thuet Balaguer)

Un chef, « il nous en manque un » déplore un militant. « Aujourd’hui, on a beaucoup de lignes au sein du parti, avec Lisnard, Bellamy, Pradié, Larcher. Mais personne n’arrive à s’imposer ». Rien que dans cette circonscription, Félicité Herzog devra également affronter Romain Marsily, directeur général de Nouvelle Energie, le micro-parti de David Lisnard. Un jeune Républicain s’offusque de notre question lorsque nous l’interrogeons sur la division interne. « C’est normal qu’il y ait plusieurs courants. Ça s’appelle la démocratie. Vous voulez quoi ? Qu’on devienne comme l’URSS ? », raille-t-il dans une bouffée de mépris.

Déphasés avec les tristes résultats d’un parti qui n’a même pas pu rembourser ses frais de campagne lors de la dernière présidentielle, chacun aspire à récupérer sa part du gâteau à l’orée des échéances à venir. Dans un échange avec des militants, un membre du parti nous avoue : « là, on recrute bien plus loin que pour les législatives. On prépare déjà 2026 puis, le plus important, 2027 ».

Derrière l’écrivaine candidate, se trame aussi l’avenir de la droite, et d’un de ses lieutenants parisiens. « À l’origine, c’est Monsieur Spizner qui a convaincu Félicité d’y aller », nous confesse un militant, en pleine session de tractage. Sur les professions de foi, le logo de son groupe « Demain Paris » au Conseil de la mairie borde celui des Républicains. Dans toute la campagne, l’ombre du baron noir flotte. Signe précurseur d’une candidature en 2026 ? À suivre.



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