Sophie Lorant : La diplomatie olympique a son coach

Sophie Lorant : La diplomatie olympique a son coach

Paris s’apprête à recevoir, fin juillet, le monde entier. Émile a rencontré la directrice des relations internationales au Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, Sophie Lorant (promo 95).

Par Maïna Marjany (promo 14)


CV express

 

Sophie Lorant est la cheffe d’orchestre du volet international des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. (Droits Réservés)

  • 1997 Début de carrière en Angola, pour Handicap International

  • 1998-2000 Production audiovisuelle, organisation de tournages à l’étranger 

  • 2000-2007 Journaliste puis création de sa propre société de production

  • 2007-2009 Conseillère parlementaire de Fadela Amara, secrétaire d’État en charge de la politique de la ville 

  • 2009-2012 Responsable des relations avec les Comités nationaux olympiques (CNO) d’Afrique au comité d’organisation des JO de Londres  

  • 2013-2015 Directrice du département Relations avec les CNO au comité d’organisation des Jeux européens de Bakou

  • 2015-2017 Directrice des relations internationales au Comité de candidature pour les JOP de Paris

  • Depuis 2018 Directrice des relations internationales au Comité d’organisation des JOP de Paris 2024


Fête populaire pour certains, instrument de soft power pour d’autres… Les enjeux des JO vont bien au-delà de la pure performance sportive. Tous les quatre ans, au beau milieu de l’été, les pays en compétition se battent pour obtenir le plus grand nombre de médailles et figurer dans le top 10 final. Comme le disait George Orwell, au milieu du XXe siècle, « le sport, c’est la guerre, les fusils en moins ». Le podium incarne alors une sorte d’allégorie de la puissance des nations. « Dans l’organisation et les performances d’événements sportifs se donne à voir une image de l’État, qui permet d’enrichir sa réputation à l’échelle globale », nous expliquait Frédéric Ramel, professeur en science politique à Sciences Po, dans notre dossier sur la place du sport dans la société.

Cette année, la France ne sera pas que sur le banc des compétiteurs. En tant que pays hôte, elle endosse un nouveau rôle. Les enjeux, tant sportifs que diplomatiques ou sécuritaires, seront plus élevés que jamais. « Le sport est une des ressources, en matière de diplomatie publique, à des fins de réputation et d’image à l’étranger, qui permet de considérer certains États comme des acteurs puissants sur la scène internationale », nous disait également Frédéric Ramel. Sur cette scène en pleine recomposition, la France saura-t-elle faire entendre sa voix ? 

Obtenir et organiser les Jeux : « un marathon émotionnel »

Sophie Lorant y travaille depuis une dizaine d’années. La première bataille était celle pour l’obtention des Jeux à Paris, en 2024. Elle est nommée, en 2015, directrice des relations internationales au Comité de candidature. Un poste qui lui est proposé au regard de sa double expérience : « Peu de Françaises avaient travaillé à la fois sur l’organisation des JO de Londres (2012) et des Jeux européens de Bakou (2015). » Elle se souvient de la période de candidature comme d’un « marathon émotionnel ». Son travail de l’époque consiste à s’occuper du lobbying international. « Au départ, il y avait cinq villes candidates. Avec mes collègues, nous avons mis en place des stratégies pour promouvoir notre candidature auprès des membres du Comité international olympique (CIO). Petit à petit, la course a évolué, des candidatures sont tombées (Boston, Rome, Budapest) et on s’est retrouvés face à Los Angeles. Là, changement de stratégie : il fallait convaincre les Américains d’accepter l’organisation des Jeux en 2028, car pour nous, c’était 2024 ou rien. » 

En 2017, une fois les Jeux obtenus, elle poursuit l’aventure en tant que directrice des relations internationales au Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. L’intitulé de poste a beau être le même, la nature du travail change profondément. En forçant le trait, on pourrait dire qu’elle passe de lobbyiste à manager d’une start-up, puis d’une PME. « Je suis à la tête d’une direction composée de cinq départements [voir encadré à la fin de l’article]. Mon rôle a d’abord été d’installer les bonnes personnes à la tête de ces entités. Puis il a fallu leur insuffler les impulsions, mais aussi leur donner les moyens, humains et financiers, de performer. »

« Un marqueur fort envoyé au monde entier »

En étant à la tête de la direction internationale, Sophie Lorant gère aussi les enjeux diplomatiques, en lien avec l’Élysée, comme la question des athlètes russes. Elle nous donne un aperçu des missions qui attendent ses équipes dans la dernière ligne droite : « Le département NCS organise des réunions quotidiennes avec les 206 comités olympiques et 184 comités paralympiques de chaque pays participant afin d’échanger autour de leurs athlètes, des chances de médailles, des accréditations, demandes de visa, moyens de transport des délégations, de l’arrivée éventuelle de conteneurs pour en informer les douanes, la présence ou non de leur chef d’État et leurs besoins sécuritaires… ». Autre exemple, le département ICO finalise, en lien avec l’Agence française de développement (AFD) et l’Élysée, la tenue d’un sommet sur le sport et le développement durable.

Il faut également peaufiner les derniers détails pour la cérémonie d’ouverture du 26 juillet. « Cette cérémonie sur la Seine n’a jamais été faite auparavant, c’est un marqueur fort envoyé au monde entier. » L’occasion pour le président de la République d’échanger avec les chefs d’État présents, d’aborder de manière plus informelle les sujets géopolitiques du moment, mais aussi de « promouvoir la France », précise Sophie. 

« Dans mon équipe, on vit aux Nations unies tous les jours ! »

Puis, le déroulement des épreuves et la vie dans le village olympique et paralympique seront autant d’opportunités de rencontres entre les athlètes du monde entier et leur délégation. « Au niveau humain, ça va changer leur vie ! Et ils deviendront les meilleurs ambassadeurs de la France, car ils auront vu le meilleur de notre pays. »

Une chance aussi pour les équipes de salariés du comité d’organisation et les volontaires, ajoute la directrice : « Ils vont vivre une expérience inédite. Dans mon équipe, on vit aux Nations unies tous les jours ! ». Les chiffres semblent lui donner raison, puisqu’en mai, 31 nationalités étaient représentées parmi les 152 employés de sa direction. Cette ambiance internationale séduit Sophie, dont le parcours est lié, dès son plus jeune âge, au dialogue entre les cultures. « Avoir une mère franco-mexicaine et un père juif hongrois – qui a vécu la Shoah, puis qui a fui en France en 1956 – a fait que, depuis toute petite, j’ai compris qu’il n’y a pas une seule vérité, mais plusieurs façons de voir et de comprendre les choses selon les cultures. Cela m’a façonnée toute ma vie. » 

« Avoir une mère franco-mexicaine et un père juif hongrois (...) a fait que, depuis toute petite, j’ai compris qu’il n’y a pas une seule vérité » 

Transmettre la flamme

Après son diplôme de Sciences Po en 1995, section internationale, et un DESS Droits de l’homme en poche, elle s’envole en Angola pour y travailler avec une ONG, puis se lance dans la production audiovisuelle et le journalisme, ce qui l’amènera en Amérique du Sud et dans une trentaine de pays africains. De 2007 à 2009, elle est conseillère parlementaire de Fadela Amara, alors secrétaire d’État en charge de la politique de la ville. Débute ensuite l’aventure des Jeux, d’abord au sein du comité d’organisation des JO de Londres comme responsable des relations avec les Comités nationaux olympiques (CNO) d’Afrique, puis aux premiers Jeux européens, à Bakou. 

Une carrière à cheval entre la France et le reste du monde, où la nécessité d’agir et de trouver du sens semble primordiale. Après Paris 2024, quittera-t-elle à nouveau la capitale ? « Pour l’instant, je ne vis et je ne respire que pour les Jeux ! Ma famille et mon fils aussi. Je vis, en quelque sorte, les Jeux à travers lui. » La suite, finalement, c’est surtout l’héritage que les JOP laisseront derrière eux. « À Londres, je n’avais pas d’enfant et cette dimension de l’héritage n’était pas centrale. Aujourd’hui, elle est ancrée en moi. Ces Jeux seront un souvenir très fort pour lui, qui influencera sa manière d’envisager le monde. » 


La direction internationale du comité d’organisation des Jeux, c’est…

  • Une équipe multiculturelle 

Au mois de mai, 152 personnes y travaillent, 31 nationalités sont représentées ; 62,5 % de femmes et 37,5 % d’hommes ; la moyenne d’âge est de 30 ans. 

Pendant les Jeux, l’équipe atteindra 320 personnes et 4 500 volontaires (soit 10 % de l’ensemble des volontaires).

  • Une direction composée de 5 départements 

NCS – Relations et services avec les 206 comités nationaux olympiques, 184 comités nationaux paralympiques et les équipes de réfugiés.

PRT – Protocole (opérations de protocole sur site et le programme des dignitaires internationaux).

GFS – Services à la famille olympique et paralympique (8 500 athlètes olympiques et paralympiques et leurs accompagnants, VIP…), animation et gestion quotidienne des volontaires de la direction internationale.

LAN – Services linguistiques : organise notamment l’interprétation de toutes les conférences de presse.

ICO – Coopérations internationales : en charge de l’héritage des Jeux à l’international et du programme de la trêve olympique. 


Cet entretien a initialement été publié dans le numéro 30 d’Émile, paru en juillet 2024.



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