Europe/États-Unis : l’écart du PIB par habitant continue de se creuser

Europe/États-Unis : l’écart du PIB par habitant continue de se creuser

La crise du Covid, puis la guerre russo-ukrainienne, ont aggravé le différentiel – amorcé au début des années 2000 – entre les deux côtés de l’Atlantique, avec une relative hétérogénéité au sein de la zone euro. L’économiste Sarah Guillou en décrypte l’évolution. 

En 2019, le PIB par habitant de l’Union européenne et de la zone euro était respectivement égal à 68 % et 72 % du PIB par habitant américain.

Le niveau relatif du PIB par habitant de la zone euro vis-à-vis des États-Unis s’est dégradé depuis la crise des dettes souveraines de 2010-2012, passant de 77 % en 2000 à 72 % du PIB par tête des États-Unis. L’écart avec les États-Unis est resté stable pour l’Union européenne de 2000 à 2019. En 2022, le PIB par habitant de la zone est tombé à 70,6 % de celui des États-Unis.


PIB par habitant en pourcentage du PIB par habitant étatsunien.

Les courbes donnent la valeur en pourcentage du PIB par habitant étatsunien de chaque pays et de la zone euro.

Les données de PIB sont à prix constants de 2015 et exprimées en parité de pouvoir d’achat.


Le bon élève allemand

La période post-crise Covid creuse l’écart en raison d’un différentiel de croissance qui s’accroît, l’Union européenne ayant eu à subir le choc énergétique né de la guerre russo-ukrainienne alors que l’économie américaine accélérait sa croissance. 

Les États-Unis dépassent leur niveau de 2019, augmentant le PIB par habitant de 4 %. La zone euro descend à 70,6 % des États-Unis en raison du fort ralentissement de la croissance en Allemagne et en France. En 2022, seule l’Italie s’approche de son niveau de 2019.

Le décrochage de l’Europe vis-à-vis des États-Unis masque en effet une hétérogénéité intra-UE. De 2000 à 2019, la croissance soutenue du PIB par habitant en Allemagne a permis à ce pays de maintenir l’écart de revenu moyen avec les États-Unis. Au contraire, elle a été moins dynamique pour la France, l’Espagne et surtout l’Italie, au point de creuser l’écart de respectivement 6 points de pourcentage (pp), 4 pp et 17 pp1. C’est moins l’écart – qui tourne autour de 10 000 euros par habitant – que l’évolution de cet écart qui doit nous intéresser. En effet, l’écart est le fruit de différence de productivité horaire et d’heures travaillées par habitant. Le nombre d’heures travaillées par habitant dépend du marché du travail, mais aussi de la structure démographique des pays, qui détermine la population en âge de travailler.

Un puissant moteur : les gains de productivité américains 

Par ailleurs, toute interprétation de l’écart souffre de fortes limites, notamment parce qu’il s’agit d’un indicateur qui ne reflète qu’imparfaitement le bien-être et la qualité de vie des habitants, et d’une moyenne qui ne révèle pas les inégalités de la répartition des revenus. Un PIB par habitant très élevé pourrait n’être le résultat que d’une petite proportion de revenus très élevés, peu révélateur du revenu médian. Or on sait que le niveau des inégalités de revenus est bien plus élevé aux États-Unis que dans l’Union européenne. En revanche, l’évolution de l’écart informe sur la trajectoire de croissance des économies et de leur capacité relative à améliorer leur niveau de vie et la richesse de l’économie.

Quand on cherche à identifier les causes du creusement de l’écart, il apparaît que les États-Unis connaissent des gains de productivité du travail plus importants que l’ensemble de la zone euro et ce moteur est bien plus fort que les variations relatives du nombre d’heures travaillées entre les deux zones.

L’exploration des dynamiques d’accumulation du capital matériel et immatériel établit que les différences d’efficacité productive sont parallèles à une croissance bien plus dynamique de l’investissement américain, notamment dans les Technologies de l’information et de la communication (TIC) et dans les actifs immatériels. Les investissements en TIC atteignent la somme de 223 milliards d’euros en 2019 aux États-Unis contre 65 milliards en zone euro. Par emploi, les investissements en TIC sont cinq fois plus importants aux États-Unis que dans la zone euro. En outre, les investissements immatériels sont eux-mêmes quatre fois plus importants.

Champions de la R & D

Parmi les investissements immatériels, la Recherche & Développement est massivement réalisée par les États-Unis, qui cumulent les montants de l’Europe et de la Chine. Les secteurs des TIC en sont un moteur de premier plan, tout comme ils le sont également en matière d’investissement en matériel2.

Les chocs Covid et énergétique creusent le décrochage européen, qui s’inscrit toutefois dans une tendance structurelle qu’il apparaît nécessaire de contrarier par un effort d’investissement supplémentaire. 

1. DRIC (2024a), Le décrochage européen en question, Policy Brief OFCE, Mai.
2. DRIC (2024b), Les insuffisances de l’investisesment européen Post de blog OFCE, Mai.


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