Mentorat : "Prendre le temps de s’écouter sans juger"
Camille (promo 12) évolue dans le secteur des fonds d’investissement. Raphaël (promo 01) est le CFO de Tarkett, une multinationale cotée en France. Ils se sont rencontrés lors de la première session de mentorat lancée par Sciences Po Alumni et témoignent de cette expérience qui a questionné leurs certitudes.
Propos recueillis par Maïna Marjany (promo 14)
Pourquoi vous être lancés dans cette aventure du mentorat ?
Raphaël : Je souhaitais voir plus loin, avoir une discussion hors du cadre professionnel avec une personne ayant le même âge que celles que je recrute dans mon équipe. En savoir plus sur ce que cette personne attend de sa carrière et sur la façon dont elle opère dans le monde professionnel, mais sans la contrainte de la relation hiérarchique. Écouter sans forcément juger, donner du feedback de manière très bienveillante. Et aussi, partager mon expérience dans des groupes internationaux pour accompagner la personne dans son questionnement sur son parcours et ses perspectives.
Camille : Au moment où je m’interrogeais sur ma carrière, je souhaitais le retour d’expérience d’un pair ayant un parcours proche du mien, afin d’avoir une vision éclairée, sans la sanction hiérarchique.
Vos premières rencontres vous ont réservé des surprises…
Camille : Lors de notre première entrevue, Raphaël s’est présenté. Puis, ce fut mon tour. Et là, ça a été un électrochoc : je ne parvenais pas à faire comprendre à Raphaël ce que je faisais ni quelles étaient mes compétences financières. Ce n’était pas un jugement de valeur de sa part, mais une réelle incompréhension. S’en est suivie une profonde réflexion sur ce que je valais et ce que j’étais.
Raphaël : Je ne pensais pas que ma réaction et mes questions auraient autant d’impact. Ce processus d’échange est très efficace, mais il faut savoir doser les retours ! Il faut réussir également à prendre le temps d’écouter sans juger, alors que dans le milieu professionnel, on s’attend souvent à des réactions rapides.
Camille : Raphaël me posait des questions qui ne résonnaient pas du tout avec mon parcours. Pourtant, je pensais qu’on avait des carrières similaires.
Raphaël : Bien que nous évoluions dans le même univers – la finance –, nos métiers sont finalement très différents et se parlent assez peu, ou à des occasions particulières et avec certains préjugés. J’ai mis du temps à réaliser, au fil des rencontres, qu’une grande partie de l’expérience de Camille peut être utile dans un groupe industriel. Il faut parfois prendre le temps nécessaire pour bien comprendre et se faire comprendre. Il faut échanger, donner des exemples. Le pitch en 15 secondes, ça ne suffit pas toujours ! [Rires, NDLR].
Finalement, quels enseignements en avez-vous tirés ?
Camille : Cette expérience m’a ouvert à des questionnements auxquels je ne m’attendais pas. J’ai développé un nouveau regard sur mes forces et mes faiblesses. J’ai également compris la nécessité de savoir raconter son parcours et j’ai réécrit mon CV. J’ai pu également développer et essayer des idées sans risque, explorer de nouvelles perspectives professionnelles… Raphaël a été mon sparring-partner.
Raphaël : Au fil de nos discussions, j’ai réalisé à quel point nos milieux professionnels respectifs vivent en parallèle, avec assez peu de passerelles entre les fonds d’investissement et les grands groupes. Pourtant, il y a des deux côtés des compétences similaires ou complémentaires. Cela m’amène à m’interroger sur notre manière de recruter, qui met parfois trop les profils dans des cases.
Autre apprentissage pour moi : j’ai pris conscience de l’importance de ce que nous faisons, notamment chez Tarkett, pour les membres de nos équipes – systématiser l’évaluation de leur potentiel, avoir des discussions régulières sur l’avancée professionnelle, animer des processus d’évolution et de mobilité interne… Pour autant, sans être accro aux process, je reconnais qu’un certain cadre aide nos équipes à se développer et contribue à leur motivation.