L'infiltré - Courage Fillon !
A travers les couloirs des palais de la République, je circule parmi mes semblables, souvent d'anciens Sciences Po attirés par les lumières de la politique. Je suis un infiltré au coeur du pouvoir, j'en connais tous les codes, tous les usages.
Qu'il doit sembler loin à François Fillon le temps de la primaire, celui où il marchait sur l'eau, après avoir été désigné par 4,3 millions de votants.
Déjà, avant Noël, certains à droite s'étaient étonnés du silence de leur candidat, subitement disparu des écrans radars après une si nette victoire.
Au retour des vacances, les mêmes concédaient un "défaut d'explication" du programme, après avoir entendu leur petite nièce, aide-soignante à l'hôpital du coin, s'inquiéter lors du Réveillon de la perspective des 500 000 suppressions de postes dans la fonction publique.
Les plus méchants allaient même jusqu'à évoquer un "trou d'air".
On croisait un vieux grognard du chiraquisme, transformé en vedette de plateaux télé qui, sur le trottoir du Palais Bourbon au milieu d'un petit cercle de députés socialistes hilares, expliquait pourquoi il allait voter à gauche pour la première fois de sa vie, jaugeant les mérites respectifs de Macron, d'Hamon et même... de Mélenchon.
Un jeune loup des Républicains, déjà intoxiqué à la chose publique, se plaignait que le candidat lui refuse de continuer à cumuler après juin ses mandats de parlementaire et de maire. Il glissait sous le manteau cette phrase qui faisait froid dans le dos : "en tout cas, il ne l'emportera pas au Paradis."
Henri Guaino, ce grand albatros gaulliste errant parmi les ombres du passé, déployait tous ses talents oratoires pour empêcher François Fillon de se réclamer de la figure du Général. Avec assiduité, il tenait conférence tous les lundis midis à la buvette de l'Assemblée.
Rachida Dati, très en colère d'avoir été négligée au profit de NKM pour les législatives, avait saturé les pages politiques des hebdomadaires d'indiscrétions bien senties. En substance, la maire du 7ème arrondissement disait n'aimer ni les traitres, ni Thatcher. De toute évidence, elle ne voterait pas Fillon...
Mais, le coup le plus rude (et pour tout dire le plus inattendu) est venu cette semaine de plus proche encore.
On avait laissé Pénélope reprisant sa tapisserie, à l'ombre d'une tour de guet du château de Sablé-sur-Sarthe, négligemment allongée dans un fauteuil en rotin.
On la retrouve prétendument affairée dans les couloirs de l'Assemblée, courant après son mari pour lui soumettre un amendement de dernière minute.
Les recherches sont en cours mais, à ce stade, aucun assistant parlementaire n'est certain de l'avoir vu pousser son plateau au self de la cantine.
C'est sans doute cette vieille passion britannique qui justifie chez elle, sujet de sa Gracieuse Majesté, un tel dévouement à la cause parlementaire. Être assistant parlementaire c'est presque côtoyer Churchill.
Quant à la Revue des deux mondes, autre source inattendue de revenus pour la famille Fillon, il fallait bien qu'elle se régénère au sang neuf de la droite du 21ème siècle et pour tout dire, si Pénélope n'a pas les charmes de Carla, elle avait au moins la distinction qui sied à cette vénérable institution, vieille dame percluse de rhumatismes littéraires.
Et puis, tirée de la fortune colossale d'un ami personnel de François, cette rémunération en échange de quelques notules littéraires, n'était pas de trop. Ce foutu château coûte si cher...
Décidément, se dit Pénélope en lisant le Canard Enchaîné, le monde est bien méchant et les amis de François sont tous des ingrats.
A la Revue de deux mondes, on aurait pu aussi lui citer Louis-Ferdinand Céline, "les gens se vengent toujours du bien qu'on leur fait..."