Reportage - La dynamique Macron et Mélenchon menace le PS d’éclatement

Reportage - La dynamique Macron et Mélenchon menace le PS d’éclatement

Au moment où s'achève le quinquennat de François Hollande, le Parti socialiste est dans une mauvaise passe. Concurrencé par Emmanuel Macron d'un côté et par Jean-Luc Mélenchon de l'autre, le candidat qui sera issu de la primaire de la gauche (qu'il s'agisse de Manuel Valls ou Benoît Hamon) est clairement à la traîne dans les sondages, pour le moment. Antoine Piel, étudiant de l'école de journalisme de Sciences Po, est allé à la rencontre de ceux qui ont choisi de soutenir Macron ou Mélenchon. 

Dans un bar du cossu 7e arrondissement de Paris, des citoyens sont réunis autour d’un verre un lundi soir. Onze personnes, d’âge mur principalement, et de classe aisée, sont venues débattre des questions liées au travail, invitées par un comité local d'En Marche !. La plupart d’entre eux se sont impliqués en politique pour la première fois dans cette nouvelle organisation qui ne ressemble pas à un parti traditionnel, d'autres sont des déçus du PS. Ils ont été séduits par Emmanuel Macron qui réunit à la fois des gens de gauche et de droite. L'ancien ministre menace désormais non seulement l’existence du PS, mais aussi la présence d'un duel Fillon - Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle.  

« Uber c’est pas possible, ça rend les gens esclaves » dit l’un. « Mais non, il y a plein de chauffeurs Uber là où le chômage est haut, par exemple à Marseille ou en Seine Saint-Denis » répond l’autre, un ancien de la rue Saint-Guillaume.

Jacques Perche, la soixantaine, entrepreneur en e-santé, a quant à lui rejoint Macron « car il incarne le progrès. » Aussi par rejet de François Hollande : « Hollande a fait des réformes par des fonctionnaires pour des fonctionnaires. » Emmanuel Macron était pourtant son principal conseiller économique pendant deux ans, et son ministre de l’Économie sur la même durée. « Hollande a aussi cédé aux lobbies et n’a fait que des compromis. » De toute façon, « le PS est dans un sale état », s’exclame-t-il dans un rire sonore. Alors qu’il parle, Michel, responsable du comité En Marche !, avertit fermement les autres de faire attention avec les journalistes et de ne pas parler au nom de Macron.

Myriam, sa femme, est assise à une autre table. Elle lit studieusement un papier qu’on leur donné dans le but d’établir des propositions. Elle était au Parti Socialiste plus de 20 ans, prenait part à des actions militantes, des meetings… « Mais le Parti Socialiste est ringard et ils ne connaissent rien du monde réel » dit-elle. Pour Myriam, c’est désormais « Macron qui incarne le progrès. »

Ils sont d'ailleurs beaucoup à quitter le PS, un parti qui attire moins de sympathisants qu'avant. D’après Le Canard Enchaîné, seulement 42 300 adhérents sont à jour de cotisation en novembre. Ils étaient 160 000 en 2014.

Benoît Hamon, sauveur à terme du PS ?

Pour l’instant, même si le candidat n’a pas encore été désigné, le PS est classé 5e dans les sondages. En effet, la motivation des électeurs n’est pas aussi haute que pour la primaire de droite : seulement 1,6 million de votants se sont déplacés le 22 janvier. L’unité du PS après le second tour semble même improbable tant les déchirures sont profondes entre Manuel Valls et Benoît Hamon, le premier ayant même reproché au second des liens avec l’islamisme politique. Ségolène Royal et Jean-Marc Ayrault, par exemple, ont déjà suggéré qu’ils pourraient voter pour Emmanuel Macron. Il est « la victime d’une jalousie entre mecs », a dit au Point la ministre de l'Environnement.

Cependant, tous les candidats ne souffrent pas d’un manque d’intérêt. Benoît Hamon a rassemblé 3000 personnes mercredi 18 janvier à l’Institut du Judo dans le 14e arrondissement de Paris. Son idée du revenu universel polarise le débat et la dynamique est de son côté, surtout après le premier tour où il a devancé Manuel Valls de cinq points, arrivant en tête. Même s’il dit « si je gagne, ma candidature ne sera pas un préalable », il attaque fermement Mélenchon et Macron. « C’est facile d’être dans un parti que vous vous créez pour vous-même, au milieu de vos militants ! », s'est-il exclamé devant son public aux anges. Ses attaques ciblent particulièrement le fondateur du mouvement En Marche ! : « Comment pouvez-vous demander au candidat socialiste de se retirer sur la base de sondages ? Pour gagner contre Marine Le Pen, il faudrait être ni de droite ni de gauche ? On a été trop à gauche ces cinq dernières années ? », s'est-il interrogé de façon rhétorique devant un public debout, agitant des drapeaux. Quelques minutes après, suivant Hamon dans les coulisses, Philippe Martin, ancien Ministre de l’Environnement a déclaré : « Je ne suis pas résigné, on est les seuls qui défendons des idées nouvelles ! »

Mélenchon, une autre épine dans le pied du PS

Mais un autre candidat à sa gauche menace également le PS, le leader de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Il a quelques points communs avec Emmanuel Macron, il a été ministre dans un gouvernement socialiste, dirige une structure politique qui n’est pas un parti et ses meetings sont pleins. Il est le pendant de gauche à Macron, parti pour étouffer Solférino.

Victor Germain, jeune étudiant en master à Sciences Po et militant de La France Insoumise, se défend des attaques contre l’hyper personnalisation autour de Mélenchon : « L’idée de La France Insoumise est d’être durable, on aura 577 candidats aux législatives », soit autant que le nombre de circonscriptions. « Même si le Parti Communiste présente des candidats contre nous », ajoute-t-il. Une réunion de conciliation est prévue prochainement. « Mais les partis traditionnels ne marchent plus ! » s’exclame-t-il. La France Insoumise Sciences Po est d’ailleurs très dynamique. Assis à une table dans la célèbre Péniche de l’école, il distribue déjà le programme de Jean-Luc Mélenchon « L’avenir en commun » une semaine avant la rentrée. La section étudiante compte 50 membres et 20 militants actifs à Sciences Po, quand En Marche ! se targue de 170 adhérents dont 15 actifs, selon Paul Fleurance, son président dans l’institution. Il faut dire que l’adhésion est gratuite dans les deux cas. Jean-Luc Mélenchon était d’ailleurs invité ce lundi par la section mais à cause de sa campagne florissante, il a dû annuler. La France Insoumise compte également organiser des collages, des conférences et d’autres Apéros Insoumis. « Certains Jeunes Socialistes nous soutiennent déjà officieusement » conclut Victor Germain.

Une crise des partis traditionnels

Philippe Moreau-Chevrolet, président de MCBG Conseil, explique ce succès par la forme que leurs organisations respectives prennent. « Elles sont très décentralisées et organisées à a fois », remarque-t-il. « Ils donnent à leurs militants des outils de campagne, des mots d’ordre, mais ils peuvent aussi prendre des initiatives pour soutenir leur candidat. » Cela reflète une crise des partis selon lui : « Ces structures sont très centrées autour du leader, on a une sorte d’américanisation de la vie politique. »

Dans une petite librairie du 11e arrondissement près de Bastille, mercredi 18 janvier, environ 30 personnes sont venues assister à une conférence sur l’ouvrage Qu’est-ce que la gauche ?.

Cécile Duflot, députée Europe Ecologie Les Verts et ancienne ministre, cogne sur le gouvernement. « J’ai entendu dans l’hémicycle dire que la déchéance de nationalité était une mesure de gauche. » Elle pointe également l’abandon des promesses. « Quand on veut réellement faire quelque chose, on peut ! Ils n’ont même pas essayé », dénonce-t-elle. Mais ni Mélenchon ni Macron ne la convainquent. « Il y a une crise de l’engagement collectif et je ne sais pas comment y répondre mais ce ne sont certainement pas des organisations aussi personnalisées qui vont renforcer la démocratie », explique-t-elle un peu après la conférence.

Aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les « partis antisystèmes » comme les appelle Philippe Moreau-Chevrolet qui bénéficient de cette crise mais surtout le Front National. Le futur d’En marche ! et la France Insoumise n’est de toute façon pas garanti. « Ces marques ne sont pas assurées de tenir et les militants partiront probablement faire autre chose après l’élection », estime le communiquant. 

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