Aux origines de Sciences Po
L’école libre des sciences politiques, ancêtre de Sciences Po, est créée en 1872 à Paris par Emile Boutmy en réaction aux troubles qui secouent la France entre 1870 et 1872 ; la défaite militaire face à la Prusse, les dernières convulsions du second empire qui s’ensuivent, puis la Commune de Paris et la naissance difficile d’un régime parlementaire, premier jalon de la troisième République.
« Nous n’avons pas subi seulement un Sedan militaire, politique, financier, industriel ; c’est encore un Sedan intellectuel » écrivait Maurice Barrès au lendemain de la guerre Franco-prussienne de 1870. Cette terrible défaite militaire infligée à la France par la Prusse va durablement secouer les élites françaises et remettre en cause l’organisation de notre société à la fin du 19ème siècle.
L’historien Claude Digeon parle de la « crise allemande de la pensée française », qui pousse une partie des élites françaises à renouveler les canaux de sa formation dans un souci d’innovation face à l’émergence du modèle allemand qui bouleverse les équilibres européens.
Emile Boutmy, le père de Sciences Po, est alors un notable parisien, éditorialiste et proche des cercles libéraux. Fermement convaincu de la nécessité de repenser le système de l’enseignement supérieur français, il va impulser la création d’une école nouvelle dans la mouvance d’une profonde rénovation de l’ordre social établi. Ce nouvel établissement est appelée à devenir le « carrefour des classes dirigeantes ».
Accompagné d’intellectuels de renom (Taine, Renan, Vinet…), Boutmy accueille en 1872 la première promotion de 90 élèves de l’école libre des sciences politiques. La nouvelle école se démarque par l’entrée de praticiens dans l’enseignement supérieur jusque-là réservé aux universitaires et par sa volonté affichée d’étudier les sociétés contemporaines voisines de la France.
Rapidement, les inscriptions affluent et marquent le succès de l’école libre des sciences politiques de Paris. Consécration suprême, Emile Boutmy est nommé au Conseil Supérieur de l’instruction publique en 1880 par Jules Ferry puis sera reçu à l’Académie des sciences morales et politiques.
Quant à l’école, il faut attendre 1879 pour que Sciences Po s’installe dans l’hôtel de Mortemart grâce à la générosité de la duchesse de Galliera, dès lors elle ne quittera plus la rue Saint Guillaume.