Le billet de Pascal Perrineau - Un sentiment d'inachevé...
A deux jours du premier tour de l’élection présidentielle, la campagne donne un goût d’inachevé. Nombre de candidats se sont plaints de ne pas avoir eu le temps ou l’occasion de développer pleinement leurs projets politiques, économiques et sociaux. Les électeurs expriment une profonde insatisfaction vis-à-vis de la campagne telle qu’elle s’est déroulée.
A quelques encablures de la décision de dimanche prochain, l’enquête électorale réalisée par le Centre de recherches politiques de Sciences Po, (vague 13 de l’Enquête électorale 2017 réalisée du 16 au 17 avril) recense plusieurs indicateurs de ce malaise. Si le spectacle digne d’une série télévisée aux rebondissements multiples a pu attirer, le véritable intérêt pour ce moment fort de la vie politique qu’est l’élection présidentielle n’est pas évident. Seuls 58% des électeurs interrogés expriment « beaucoup d’intérêtpour la prochaine élection présidentielle » et ils sont même moins de 50% chez les jeunes et les électeurs qui vont voter pour la première fois.
La cristallisation des choix à l’issue de la campagne reste fragile. 28% des personnes interrogées disent qu’elles peuvent encore changer d’avis et ce pourcentage dépasse 33% chez les jeunes, les ouvriers et plus largement les salariés du privé et du public ainsi que chez les électeurs qui se situent au centre. L’issue du premier tour reste incertaine puisque –fait radicalement nouveau sous la Vème République- pas moins de quatre candidats gravitent autour de la barre des 20% d’intentions de vote. Le désir de victoire pour chacun de ces candidats reste mou et traduit le fait qu’aucun des compétiteurs n’a véritablement convaincu. 22% des électeurs interrogés souhaitent la victoire d’Emmanuel Macron, 18% celle de Marine Le Pen, 17% celle de François FIllon et 16% celle de Jean-Luc Mélenchon.
Le relatif désarroi des électeurs se traduit dans des itinéraires et des hésitations qui peuvent transgresser toutes les frontières politiques les mieux établies : 28% des électeurs potentiels de Marine Le Pen disent que s’ils ne devaient pas voter pour leur candidate ils voteraient en faveur de Jean-Luc Mélenchon. 11% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon envisageraient de déposer éventuellement un bulletin en faveur de la présidente du Front national. Enfin, le retour du spectre des attentats et de la déstabilisation en toute fin de campagne ajoute au sentiment de trouble une dimension de tragique qui n’est jamais loin du politique.
Dimanche prochain, dans le secret de l’isoloir, les électeurs arbitreront en leur âme et conscience entre leurs attentes, leurs tropismes, leurs inquiétudes et ce sentiment d’inachevé et d’indécision qui reste très présent. Que cette décision ne soit pas trop une décision par défaut et parvienne à dessiner une voie d’avenir pour une France en pleine interrogation.