L'infiltré - Le dernier havre de paix
C'est avec humour que l'infiltré nous livre son analyse sur la semaine qui vient de s'achever. De l'arrivée d'Edouard Philippe à l'Élysée (après un détour par l'Assemblée nationale) à la photo de famille du nouveau gouvernement...
Le patron de la G7 n’en revient toujours pas. Le trajet en taxi qu'a fait Edouard Philippe lundi dernier entre son domicile et l'Assemblée nationale a été filmé en continu par les caméras. Une belle page de publicité, en direct à la télévision. Chez G7, on s'est même amusé à la chiffrer : 350 000 euros gagnés sans rien faire. Merci Monsieur le nouveau Premier ministre !
Heureusement qu'il n'a pas pris un Über ! Mounir Majhoubi, le nouveau secrétaire d'Etat ne l’aurait pas supporté, lui qui a porté plainte contre la firme américaine de VTC devant la CNIL pour utilisation des données personnelles.
Pris en chasse par les motos des chaines de télévision, on a même cru un instant que le nouveau Premier ministre allait franchir les grilles de l’Elysée en taxi, avant qu’il ne traverse la Seine pour se réfugier à l’Assemblée nationale. Il faut dire que le Palais Bourbon est un havre de paix en ce moment. Plus personne dans les couloirs. Plus aucun journaliste aux 4 colonnes. La maison du peuple est vide et en travaux.
Edouard Philippe a donc pu attendre sa nomination à l'écart de l'agitation parisienne. Dans le couloir du 3ème étage où se trouve son bureau, on l'a vu faire les 100 pas, le portable à l'oreille, mais presque tranquille, calme et serein comme un Normand qui attend l’averse.
Il n'attendait pas la confirmation de sa nomination, elle était acquise depuis le lendemain du premier tour, simplement le numéro de plaque d'immatriculation du véhicule aux vitres teintées qui devait l'emmener incognito à l'Elysée pour déjeuner avec le Président.
De retour au Palais Bourbon à 14 heures, il put préparer au calme le discours qu’il prononça lors de la passation de pouvoirs avec Bernard Cazeneuve et enfiler, au sens propre comme au sens figuré, un nouveau costume. Ce furent sans doute pour le maire du Havre les dernières minutes de tranquillité car les semaines qui s’annoncent promettent d’être agitées.
Il y a bien sûr les législatives à gagner mais, avant cela, il y a le gouvernement à mettre en marche. Le casting proposé par Emmanuel Macron repose sur un subtil dosage de stars, d’experts et d’inconnus et c’est, comme au festival de Cannes qui a débuté en même temps que le gouvernement Philippe, sur la montée des marches de l’escalier donnant au 1er étage de l’Elysée que la photographie de la nouvelle équipe a été immortalisée.
Le plus difficile pour Edouard Philippe sera sans doute d’imposer son autorité sur le trio des « Ministres d’Etat », bien décidés à jouer les premiers rôles et à n’en référer qu’au Président et peut-être qu’à eux-mêmes...
François Bayrou qui s’est auto-proclamé faiseur de roi depuis l’élection du jeune Président sera le plus difficile à encadrer. C’est un trop beau papillon... On a hâte de savoir ce qu’il fera une fois qu’il aura fait adopter sa loi de moralisation de la vie publique. Pourvu qu’il s’intéresse un peu à l’administration de la justice et, plus urgent encore, à la situation des prisons. Un séjour prolongé sous les ors de la place Vendôme pourrait lui donner plutôt l’envie d’écrire de nouvelles biographies historiques. C’est à craindre... car on sait que le Béarnais s’épuise vite dans le travail et s’ennuie tout autant.
Deuxième « ministre d’Etat », Gérard Collomb est devenu à 70 ans ministre de l’Intérieur, ultime revanche pour celui qui a cru le premier à Emmanuel Macron et que le Parti socialiste a toujours traité avec dédain. François Mitterrand l’avait méprisé toute sa vie et François Hollande, plus magnanime, l’avait seulement oublié. Cela valait bien quelques larmes au moment de l’intronisation du nouveau Président dimanche dernier dans la salle des fêtes de l’Elysée. En le voyant ainsi pleurer, on repensa à l’investiture de François Mitterrand en 1981. Ce jour-là, ce fut Mendès France qui pleura quand le nouveau Président lui glissa à l’oreille : « sans vous, cela n’aurait pas été possible. » Chacun a ses héros...
Troisième « ministre d’Etat », Nicolas Hulot. Il était temps... Encore quelques mois et l’aéroport de Notre-Dame des Landes était construit. Heureusement, Nicolas est arrivé. Son idée de génie pour régler le problème : nommer un médiateur. On voit en effet que ce gouvernement ne fait rien comme les autres... Plus sérieusement, le nouveau ministre-star du gouvernement risque de se heurter assez vite à la personnalité et aux convictions du Premier ministre dont le parcours démontre à l’évidence un goût modéré pour la transition écologique. Ces deux-là risquent de bien s’entendre, c’est certain. En tout cas, Nicolas Hulot aura réussi une première transgression en posant col ouvert lors de la photo de famille du premier gouvernement Philippe.
Décidément, l’Elysée est bien le dernier havre de paix. Autant en profiter car, à l’Assemblée, le protocole est plus strict : cravate obligatoire dans l’Hémicycle.