Arnaud Montebourg, l'apiculteur 2.0

Arnaud Montebourg, l'apiculteur 2.0

Premier de notre série de portraits d’hommes et de femmes qui donnent vie, au quotidien, aux traditions gastronomiques françaises, découvrez Arnaud Montebourg et sa surprenante reconversion dans la production de miel. L’ancien ministre de l’Économie a fait le pari osé de mêler terroir et start-up…

Par Laurence Bekk-Day (promo 18)

Arnaud Montebourg examinant l’une des ruches du projet Bleu Blanc Ruche (Crédits photo : Romain Smiljkovski)

Arnaud Montebourg examinant l’une des ruches du projet Bleu Blanc Ruche (Crédits photo : Romain Smiljkovski)


Victor Hugo en était persuadé, « rien ne ressemble à une âme comme une abeille. Elle va de fleur en fleur comme une âme d’étoile en étoile, et elle rapporte le miel comme l’âme rapporte la lumière. » Hélas, les abeilles se meurent. Qualité de l’environnement qui se dégrade, épandage massif de pesticides, frelons asiatiques : la production de miel français a été divisée par trois en 20 ans, tandis qu’un tiers des colonies d’abeilles domestiques meurent tous les ans.

Nectar & terroir

La situation est critique. Mais Arnaud Montebourg a pris le pari d’en faire son miel. L’ancien ministre de l’Économie a lancé, avec deux associés, Bleu Blanc Ruche : une marque qui regroupe une dizaine d’apiculteurs et qui fabrique du « miel de repeuplement », dans l’espoir de reconstituer un cheptel d’abeilles françaises. Coiffé de sa casquette d’entrepreneur, le Bourguignon n’a rien perdu de sa gouaille politique. Incollable sur le miel, inextinguible sur sa région, il passe, avec le lyrisme qu’on lui connaît, de son amour pour les comices agricoles à une explication très poussée sur le démantèlement de la PAC.

Le marché du miel est potentiellement très porteur.

Lui demander des détails sur son modèle économique semble le barber puisqu’il reste évasif sur le sujet. Mais il faut reconnaître que le chantre du made in France a eu le nez creux : le marché du miel est potentiellement très porteur. La France en a produit moins de 10 000 tonnes l’année dernière, tandis que la consommation, en pleine croissance, atteint environ 40 000 tonnes par an. Pour répondre à la demande, des quantités gargantuesques de miel asiatique ou sud-américain, souvent coupé au sirop de sucre, ont inondé nos rayons. Près de la moitié des miels seraient frelatés. Preuve s’il en faut, la consommation mondiale de miel est supérieure à la capacité de production des abeilles.

Via la plateforme de financement participatif Ulule, la « start-up agricole » d’Arnaud Montebourg visait 1 000 pots de miel en prévente. Elle a atteint le cap des 12 000. Ravi, l’apiculteur 2.0 espère voir débarquer ses produits dans la grande distribution d’ici janvier. Avec une promesse qualité qu’il nous martèle : « On vous met le nom de l’apiculteur, on vous garantit la pureté du miel, et on vous apporte la preuve qu’il est d’origine française. Il fait vivre un apiculteur en France, pour quelques dizaines de centimes de plus par pot ! »

Une démarche vertueuse en vogue

Arnaud Montebourg Ulule.jpg

Arnaud Montebourg le rappelle, c’est le métier tout entier qui est amené à changer : « Avant, l’apiculteur mettait 50 ruches au fond des bois et ça coulait tout seul. Maintenant, c’est un métier de très haute technicité, avec un apiculteur qui devient vétérinaire des abeilles. » Fier de mettre en avant ses compagnons de route – l’INRA et le CNRS – il espère que ce ballon d’essai commercial essaimera, tentant déjà le même pari avec les amandes, aujourd’hui majoritairement importées de Californie, où l’eau vient à manquer.

« Avant, l’apiculteur mettait 50 ruches au fond des bois et ça coulait tout seul. »
— Arnaud Montebourg

Pour l’heure, il attend de goûter la récolte de miel de cette année, issu du Limousin, des Landes ou encore de Bourgogne. Avec des miels d’acacia, de lavande, et de châtaignier, « on fait parler le terroir et le territoire français », s’enthousiasme-t-il. Mais des variétés plus confidentielles seront proposées : arbousier, bourdaine, callune, bruyère… « Dans ces miels, vous avez de la puissance expressive ! »

Coupe miel Bleu Blanc Ruche Ulule

Le but avoué n’est pas de créer un produit pour épiceries de luxe, mais bien de tenter de relancer des filières agricoles en déshérence. Une démarche en vogue, qui n’est pas sans rappeler celle de La Marque du consommateur, avec son logo en forme de bulle-smiley, qui a rencontré un grand succès en commercialisant un lait de qualité distribué en grandes surfaces, et acheté à un montant équitable pour son producteur. Arnaud Montebourg, lui, assure que sa nouvelle aventure lui permet de faire de la politique autrement. « La politique, c’est rassembler des gens autour d’un projet ; mais c’est infernal, on n’y arrive pas. Dans l’entreprise, c’est réalisable, parce que les gens s’unissent autour d’un projet qui les fait vivre. »


Quatre questions à Arnaud Montebourg


Une région favorite ?

La mienne, la Bourgogne ! C'est un vieux territoire qui a l'emprise de la civilisation. Vous savez, les ducs de Bourgogne ont failli diriger la France il y a très longtemps : mais Charles le Téméraire, tué à Nancy en 1477, n’a pas eu de descendant. C'est comme ça que la dynastie s'est arrêtée. Sans cela, peut-être que le cours du pays s’en serait trouvé bouleversé...

Si vous aviez à composer une table idéale ?

On met la table sur la pelouse, dans un vieux jardin un peu broussailleux. Une nappe blanche, un petit feu de bois non loin, pour faire griller la viande, et on va chercher ce qu’il faut autour. Et on convie Régis Debray, qui a une intelligence supérieure et une puissance d’expression de génie ; et Mireille Mathieu, qui a quand même fait une chanson qui s’appelle Made in France ! 

Selon vous, le repas est-il vécu différemment à l’étranger ?

C’est vrai qu’il y a un art de la table particulier en France. Elle est pour moi numéro un, bien sûr, mais je dirais qu’il y a aussi les Italiens, les Marocains et les Japonais. 

C’est quoi, l’art de vivre à la française ?

C’est l’art du temps, qu’il faut cultiver.



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