Hommage - Cathy Leitus, la lumineuse
L'hommage de Anne Fulda, journaliste au Figaro, à Cathy Leitus.
Cathy Leitus était une figure du magazine Stratégies, où elle a travaillé comme journaliste puis grand reporter pendant 25 ans. C'est avec tristesse que nous avons appris le décès, intervenu le lundi 19 février, de celle qui était aussi administratrice de notre Association. Son amie, Anne Fulda, lui rend hommage, ce matin, dans une tribune parue dans le Figaro.
Elle n'était pas attirée par la lumière, la reconnaissance, les paillettes, tous ces accessoires, ces poussières de gloire que beaucoup de ses pairs tentent de recueillir. Étonnamment, Cathy Leitus illuminait cependant tous ceux que son regard effleurait et s'attachait plus à mettre les autres en valeur que sa propre personne, dont elle ne se souciait guère. Elle aurait pu pourtant se pousser du col. Penser à une carrière plus visible, exposée. Elle aurait pu écrire des livres, aussi. Mais au fond, cela lui importait peu, moins en tout cas que le travail bien fait, cette hargne qu'elle mettait à peaufiner le moindre de ses articles souvent finis très tard dans la nuit... C'était sa façon de fonctionner, sa charte professionnelle personnelle et elle n'en concevait aucune amertume. Plutôt et avant tout la fierté du travail bien fait.
Cathy Leitus, grand reporter au magazine Stratégies et administratrice de Sciences Po Alumni, association des anciens de l'école de la rue Saint-Guillaume, n'était pas une journaliste comme les autres. Spécialiste des médias depuis des années, cette mère de trois garçons, qui avait grandi dans la banlieue parisienne, était, en effet, à part. Mue par une curiosité insatiable qui dépassait largement sa spécialité. En réalité, elle aurait pu étendre à bien d'autres domaines ses champs d'investigation. À la culture, la politique, n'importe quel sujet... Mais elle ne l'a jamais souhaité, empêchée par une modestie injustifiée. Une humilité exacerbée.
Rigoureuse, exigeante - très, trop parfois? - , envers les autres mais avant tout envers elle-même, lorsqu'elle abordait un sujet, elle le travaillait à fond, en explorait les moindres recoins sans répit. Elle multipliait alors les questions. Revenant encore et encore sur les points qu'elle voulait creuser, les incohérences, les zones d'ombre. Ne lâchant jamais prise mais offrant toujours aux réfractaires son sourire désarmant et son regard rieur, caché derrière ses lunettes rondes qu'elle réajustait parfois d'une main - comme pour mieux remettre les choses à plat, ne pas s'en laisser conter.
Elle était trop forte, Cathy. Désarmante, oui. Joyeuse. Singulière. Sa ténacité presque obsessionnelle pouvait agacer parfois certains de ses interlocuteurs mais elle les mettait dans sa poche, grâce à une qualité rare: elle était soucieuse de l'autre. Quel qu'il soit. Qu'il fut connu ou pas, ami ou pas. Elle mettait de l'affect en tout, mêlant allègrement les frontières.
Je l'avais connue à la fin des années 80 à la Société Générale de Presse, où nous avions commencé l'une et l'autre à travailler sous la férule d'Étienne Lacour et de Georges Bérard-Quélin. Depuis, et quelles que soient les intermittences et les absences, nous nous retrouvions toujours comme si nous nous étions quittées la veille.
Après la mort soudaine de Laurent, le père de ses enfants, il y a trois ans - son seul et unique amour -, elle avait tenté de faire face. Et puis, il y a un an à peine, la maladie l'a rattrapée. Il s'est alors tissé autour d'elle une véritable chaîne d'amour. Une chaîne initiée par ses trois fils qui ont accompagné, dans la musique et leur foi dans la vie, son combat contre le cancer. Sa garde du cœur, familiale et amicale, a été à ses côtés jusqu'à la fin. Ne lâchant jamais la main de cette personne rare, si lumineuse et généreuse. Qui savait, toujours, aller à l'essentiel. Toucher droit au cœur.