Conférence- Parcoursup : comment s’y retrouver dans le paysage de l’enseignement supérieur ?
Parcoursup, la nouvelle plateforme d’orientation vers l’enseignement supérieur a été lancée. Elle vient remplacer l’ancienne plateforme APB, qui avait connu de nombreux dysfonctionnements en 2016 et en 2017. La mise en place de Parcoursup suscite de grandes attentes, mais également de nombreuses questions ; le fonctionnement et les objectifs de la nouvelle plateforme étant encore flous pour de nombreux étudiants et parents. Le groupe Education et Recherche de Sciences Po Alumni a donc organisé une conférence, mardi dernier, avec trois experts de l’éducation, afin d’y voir plus clair sur l’utilisation de cette plateforme.
Le débat était animé par David Colon, professeur agrégé d'histoire à Sciences Po et président du groupe Education et recherche des Alumni. Etaient invités, Marc Vannesson, (promo 2002), délégué du think tank « Vers le Haut », dédié aux jeunes, aux familles et à l’éducation ; Matthieu Grimpret (promo 1999), enseignant et fondateur d’Objectif Post-Bac, et Catherine Mary (promo 1981), proviseure du Lycée Jeanne d’Albret à Saint-Germain-en-Laye.
Le rôle important des lycées
La conférence a débuté par une intervention de Catherine Mary, proviseure du Lycée Jeanne d’Albret à Saint-Germain-en-Laye, qui a rappelé la place importante des lycées dans le processus d’orientation qui ont un rôle majeur à jouer dans l’accompagnement des élèves. Selon elle, les graves dysfonctionnements intervenus dans la mise en oeuvre de la plateforme d’APB amènent le système éducatif, dans son ensemble, à se remettre en question.
"Derrière l'échec d'APB, il y a un véritable questionnement du lycée"@CatherineMary14 pic.twitter.com/q2FYhfsZEA
— Sciences Po alumni (@ScPoAlumni) 6 février 2018
Catherine Mary a longuement insisté sur les difficultés engendrées par APB, et notamment le "trop complexe" système des vœux. Les véritables questions d'orientation sont finalement occultées par des stratégies de classement de vœux, à l'opposé des volontés des étudiants. L'échec d'APB reflète, selon la proviseure, les incohérences des enseignements au lycée. Ainsi, il est répété sans cesse que le bac suffit pour atteindre les études supérieures. Or, de nombreuses filières sont très sélectives et la seule obtention du bac ne permet pas l'accès à celles-ci. Les étudiants ne sont que tardivement sensibilisés à ces problématiques et ne sont pas assez alertés en amont pour préparer leurs études supérieures.
La nouvelle plateforme Parcoursup devrait replacer le lycée au centre du processus d’admission, en articulant le travail des équipes pédagogiques du lycée et celles du supérieur. En effet, le conseil de classe et le chef d’établissement devront prononcer des « avis » en fonction des capacités de l’élève et des compétences requises par l’université.
Catherine Mary a cependant souligné un point crucial : de par son fonctionnement, la nouvelle plateforme « Parcoursup » questionne l’importance du Baccalauréat et de ce fait remet complètement en question l’enseignement et la construction du programme au lycée. Il est donc fondamental de ne pas penser uniquement l’après bac mais d’avoir une perspective plus globale.
Parcoursup, un outil simplifié
Matthieu Grimpret, enseignant et fondateur d’Objectif Post-Bac, a ensuite rappelé l’importance de débuter le processus d’orientation dès le début du lycée : « la question de l’orientation se pose dès la classe de seconde », insiste-t-il. Matthieu Grimpreta longuement souligné l’importance du dialogue familial, entre les parents et l’étudiant afin de l’aider à mieux définir ses envies. Amener l’étudiant à s’interroger sur son avenir ne doit pas uniquement se faire pendant la terminale.
Matthieu Grimpret semble confiant quant à l’efficacité de la nouvelle plateforme d’orientation. Selon lui, elle est de nature à simplifier le processus d’orientation par rapport à APB mais, surtout, permet aux étudiants de formuler des choix plus pertinents. «La simplification de Parcoursup est réelle. On peut faire ses vœux de manière plus sincère », affirme-t-il. En effet, les vœux ne sont plus hiérarchisés, l’ordre n’a donc plus d’impact sur le résultat final.
En tant que créateur d’Objectif post bac, qui propose des séances de coaching individualisé pour les lycéens afin de maximiser leurs performances scolaires, Matthieu Grimpret a également rappelé les principes d’une bonne orientation. Il est fondamental que les lycéens passent par un processus d’introspection, afin d’identifier leurs envies et leurs capacités.
Le culte du diplôme ?
Enfin, Marc Vannesson, délégué du think tank « Vers le Haut », dédié aux jeunes, aux familles et à l’éducation, a pointé du doigt les faiblesses de l’actuel système éducatif français. Il a notamment souligné deux symptômes de l'incapacité de ce système à préparer à l'avenir: le chômage massif et la désorientation des jeunes. Ces symptômes sont d’autant plus aggravés par un phénomène démographique ; le nombre d’étudiants ne cesse de croitre chaque année.
Par ailleurs, Marc Vannesson a également pointé la dérive d’un modèle éducatif qui adule les diplômes en oubliant les questions de l’insertion professionnelle. « Il y a une survalorisation du diplôme en France : nous sommes convaincus qu’ils sont la clef de l'ascension sociale. Et le rôle des entreprises dans cette ascension ? », demande-t-il.
Il pointe, pour conclure, les trois tabous qui marquent le modèle éducatif français : l’insertion professionnelle, la sélection et le talent. Il rejoint Catherine Mary sur la question de la sélection à laquelle les étudiants sont tardivement préparés. Quant aux questions du talent et de l’insertion professionnelle, ces derniers sont occultés par une course au diplôme, qui semble être devenue en France le principal ascenseur social. Pour lui, il est crucial de reconnecter les acteurs de l’éducation et l’univers professionnel. Il est important aussi d’amener les étudiants à allier leurs envies, leurs ambitions et le marché du travail.
L’avenir de Parcoursup est encore incertain, mais l’élaboration d’une nouvelle plateforme ne semble pas suffisante pour pallier les manquements du système éducatif actuel. Pour nos intervenants, il semble nécessaire de repenser le système dans sa globalité et de s’attaquer véritablement à la transformation de l’enseignement au lycée. La création de Parcoursup a, cependant, le mérite de replacer l’éducation au centre du débat public ce qui est, sans aucun doute, un premier pas dans la bonne direction.
Propos recueillis par Albane Demaret et Souad Talal