Jean-Michel Wilmotte : "Concevoir ces lieux où se transmet le savoir est passionnant."
L’agence Wilmotte & Associés fait partie du groupement lauréat sélectionné par Sciences Po pour réaliser le nouveau campus de l'Artillerie. Son directeur, Jean-Michel Wilmotte, détaille pour Émile les grandes lignes de ce projet architectural, qui allie restauration de monuments historiques et conception de nouveaux espaces modulables et durables.
Pourquoi avoir répondu à l’appel d’offres lancé par Sciences Po pour inventer un nouveau campus sur le site de l’Artillerie ?
Pour plusieurs raisons. Le site, tout d’abord, qui fait partie du patrimoine français et abrite des bâtiments d’une grande qualité architecturale. Puis l’enjeu : permettre l’installation de 10 000 étudiants dans l’un des plus beaux quartiers de Paris, sur un site d’un hectare, est un formidable défi ! Ça aurait été le rêve de tout promoteur d’y construire un programme immobilier mais je trouve fantastique qu’une si belle école s’y installe.
Ce n’est pas la première fois que vous réalisez un projet d’université. Travailler sur de tels lieux revêt-il un sens particulier pour vous ?
En effet, mon agence a travaillé et travaille actuellement sur différentes universités, à Strasbourg, à Saint-Pétersbourg… Nous avons également rénové le Collège de France, réalisé la nouvelle école du Barreau à Issy-les-Moulineaux, le campus SophiaTech à Sophia Antipolis, ou encore plusieurs établissements d’enseignement secondaire. Concevoir ces lieux où se vit et se transmet le savoir est passionnant. Nous sommes tous marqués par les établissements qui nous ont formés. J’ai moi-même été marqué par mon école, ses locaux, ses espaces… Je pense donc que le cadre de vie est essentiel et participe pleinement de la construction humaine et intellectuelle des étudiants.
Concrètement, comment réalise-t-on un projet comme celui-ci ?
L’objectif principal était de permettre d’accueillir dans ce lieu 10 000 étudiants. Il était donc nécessaire de fluidifier la circulation, d’aménager des espaces clairs et lumineux. Pour cela, nous avons choisi d’enlever un certain nombre de cloisons installées au fil du temps pour recréer de grands espaces. Ensuite, on commence à voir comment on peut répartir les éléments du programme. Nous avons eu de la chance car les bâtiments existants forment une trame tout à fait favorable à la création d’espaces destinés à l’enseignement : les plateaux sont peu profonds, ce qui permet d’avoir beaucoup de lumière naturelle dans les bureaux et les salles de cours, et il existe un bon équilibre entre le bâti et les espaces libres puisque les bâtiments occupent 50 % du terrain, ce qui laisse 5 000 m² à transformer en espaces verts avec les paysagistes.
Comment avez-vous pensé l’organisation du nouveau campus ?
Il a été conçu autour des trois cours, dans lesquelles dialogueront le minéral et le végétal. Chacune de ces cours aura une personnalité différente. La cour Sébastopol, qui abrite le cloître, sera un lieu un peu plus introverti que les autres, propice aux déambulations, à la concentration et aux échanges interdisciplinaires. Les bureaux des chercheurs y seront installés. La cour abritera un jardin assez contemporain articulé autour de formes géométriques.
Ensuite, la cour Gribeauval deviendra le cœur du campus, un lieu de rencontres et de convivialité. Nous avons eu l’idée de construire un pavillon, tout en verre, à la place de l’ancien bâtiment construit dans les années 1940 qui occupe pour le moment le centre de cette cour. Le pavillon abritera une cafétéria, reliée à la bibliothèque, un espace start-ups et une Maison des Sciences Po, une véritable agora pour les différentes communautés de l’école. L’idée est de favoriser la rencontre entre les générations. Dans la cour Gribeauval, nous allons aussi créer un « jardin des savoirs », qui accueillera un grand amphithéâtre extérieur agrémenté de végétation. Il s’agit ici de trouver un équilibre entre végétal et minéral.
Enfin, le troisième espace sera la cour Treuille de Beaulieu, où un verger et un potager seront implantés. L’école de journalisme sera installée en rez-de-jardin et donnera sur le magnifique jardin de 300 m². Nous avons créé des circulations qui relient les trois cours.
De quelle manière avez-vous prévu d’allier le moderne et l’ancien dans ce lieu ?
L’idée est d’utiliser les savoir-faire, les matériaux et le mobilier d’aujourd’hui, tout en prenant appui sur l’architecture existante. Car en plus d’être particulièrement solides, ces bâtiments, construits au XVIIe et au XVIIIe siècle, disposent d’une isolation naturelle en phase avec les nouveaux enjeux climatiques. Et pour économiser davantage l’énergie, nous allons aussi utiliser de l’éclairage basse consommation, ou encore des matériaux durables…
Par ailleurs, en créant un bâtiment contemporain au cœur de la cour Gribeauval, nous procédons à ce que l’on appelle une greffe contemporaine. Un sujet passionnant sur lequel je travaille depuis plus de 30 ans et autour duquel, avec ma fondation, nous avons créé le prix W, un concours d’architecture à destination des étudiants et des jeunes diplômés. J’en profite d’ailleurs pour vous donner rendez-vous fin avril pour découvrir les lauréats de la nouvelle édition !
Le groupement lauréat
Le 11 janvier 2018 la direction de Sciences Po a annoncé le choix du groupement en charge de la rénovation de l’hôtel de l’Artillerie dans le cadre du projet Campus 2022. Le promoteur Sogelym Dixence est le chef d’orchestre du projet. Il s’est entouré d’une entreprise générale, Bouygues Construction, et d’une équipe de quatre concepteurs : l’agence d’architecture Wilmotte & Associés, architecte mandataire du projet, le cabinet Pierre Bortolussi, qui intervient en qualité d’architecte en chef des Monuments historiques, l’agence d’architecture Moreau Kusunoki et le cabinet Sasaki (conseil en innovation et éducation).