Bianca Jagger, de la politique au rock

Bianca Jagger, de la politique au rock

Quand elle a débarqué rue Saint-Guillaume, à l’âge de 17 ans, en provenance du Nicaragua, la jeune et ravissante Bianca Perez-Mora Macías était loin de se douter qu’elle épouserait un jour le rockeur le plus célèbre de la planète et deviendrait ainsi, dans un tourbillon de caméras et projecteurs, l’égérie et l’icône de mode la plus glamour et la plus courtisée de la jet-set mondiale.

Par Annick Cojean (promo 80)

Le chanteur des Rolling Stones Mick Jagger, au côté de Bianca Perez-Mora Macías, 26 ans, le jour de leur mariage à la mairie de Saint-Tropez, le 12 mai 1971. (Crédits : Jean-Claude Deutsch / Paris Match / Scoop)

Le chanteur des Rolling Stones Mick Jagger, au côté de Bianca Perez-Mora Macías, 26 ans, le jour de leur mariage à la mairie de Saint-Tropez, le 12 mai 1971. (Crédits : Jean-Claude Deutsch / Paris Match / Scoop)

C’était pourtant la politique qu’elle était venue étudier en France. La politique la passionnait depuis son plus jeune âge, elle qui avait grandi, dans les années 1950, sous la dictature de la famille Somoza, et qui n’hésitait pas à s’échapper de son école religieuse pour aller manifester dans les rues de Managua. La politique enfin qu’elle rêvait d’embrasser plus tard pour contribuer à débarrasser son pays des tyrans. Sa rencontre en 1970 avec Mick Jagger a changé son destin. Elle n’a en rien éteint sa passion pour les affaires publiques et la défense des droits humains. Et ce nom de Jagger, conservé après son divorce en 1979, est devenu un allié pour braquer la lumière sur ses combats.

Très vite, elle a entamé un compagnonnage avec Amnesty International et Human Rights Watch, parcourant l’Amérique latine pour témoigner des crimes commis par des régimes dictatoriaux, sillonnant les États-Unis, de tribunaux en pénitenciers, pour lutter contre la peine de mort. Mandatée en 1993 par la commission Helsinki du Congrès américain pour enquêter sur les viols massifs en Bosnie, elle y a passé des mois, publiant un essai intitulé J’accuse : la trahison de Srebrenica. Un engagement qui la mènera à témoigner devant les parlementaires américains, britanniques et européens et de nombreuses instances internationales.

Fiche d’information (crédits : Archives de Sciences Po)

Fiche d’information (crédits : Archives de Sciences Po)

Infatigable militante

Mais ses causes sont multiples et éparpillées dans le monde. Les populations indigènes peuvent compter sur son appui lorsqu’elles luttent pour la préservation de leur environnement : les Miskitos du Nicaragua, les Guaranis du Brésil, les Sionas d’Équateur… Pour défendre la tribu Kondh, en Inde, inquiète face aux projets d’exploitation d’une mine de bauxite dans ses montagnes sacrées d’Orissa, elle a écrit au Premier ministre indien et au gouverneur de la province, démarché les principaux actionnaires de la compagnie minière et acheté des actions pour pouvoir prendre la parole lors des assemblées générales annuelles. Combat gagné. Comme tant d’autres.

Bianca Jagger a notamment participé à la manifestation de soutien au peuple tibétain qui s’est tenue à Vienne le 26 mai 2012. (Crédits : CC/Wolfgang H. Wögerer)

Bianca Jagger a notamment participé à la manifestation de soutien au peuple tibétain qui s’est tenue à Vienne le 26 mai 2012. (Crédits : CC/Wolfgang H. Wögerer)

Des années plus tard, c’est la présidente du Brésil Dilma Rousseff qu’elle apostrophe sur les dangers du Belo Monte Dam, le troisième plus grand barrage hydroélectrique du monde. L’un de ses principaux sujets de croisade est d’ailleurs la reconnaissance, par la Cour pénale internationale, de la notion de crimes contre les générations présentes et futures.

Elle a voyagé en Afghanistan pour soutenir les femmes, en Zambie pour la lutte contre le sida, en Inde pour dénoncer le commerce des enfants et la prostitution, en Irak pour fustiger l’ineptie des arguments du président Bush sur les armes de destruction massive. Elle exhorte les chefs d’État occidentaux à accueillir Edward Snowden, clame sa déception à l’égard d’Obama qui n’a pas fermé Guantanamo et persiste dans l’utilisation de drones. Et dénonce chaque jour, y compris sur les réseaux sociaux, les violences perpétrées contre les femmes. Pour toutes ces actions, elle a obtenu en 2004 le prix Nobel alternatif. Une récompense qui lui a permis de créer sa fondation en 2006.

Activiste ? Elle n’aime guère ce terme anglo-saxon. Défenseuse des droits universels ? Elle cherche en vain le mot français adéquat. Mais qu’importe. Après la « parenthèse » de son mariage, elle pense être restée fidèle à l’adolescente qui manifestait en rêvant de faire, plus tard, « la différence ». C’est ce qui compte, dit-elle. « Je suis viscéralement politique. »



Andrée Viénot, ministre féministe et femme de lettres

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Hélène Carrère d'Encausse, l'immortelle de Sciences Po

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