États-Unis - Iran : le risque d’une « guerre totale » décrypté

États-Unis - Iran : le risque d’une « guerre totale » décrypté

Le 14 septembre, coup de tonnerre. Deux des plus importants sites pétroliers d’Arabie saoudite sont touchés par une attaque d’une ampleur jamais égalée. Pour les Etats-Unis, le coupable ne fait pas de mystère : « l’Iran vient de lancer une attaque sans précédent contre l’approvisionnement énergétique mondial », tonne Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine. Une semaine plus tard, des troupes américaines sont envoyées en Arabie saoudite. L’Iran de son côté s’est dit prêt à une « guerre totale ». Pour éclairer ce dossier, Émile a interrogé Clément Therme, chercheur au CERI à Sciences Po affilié au programme « Nuclear Knowledges ». 

Propos recueillis par Yasmine Laaroussi et Nicolas Scheffer

Donald Trump et Hassan Rohani. Crédits photo : Shealah Craighead et Kremlin

Donald Trump et Hassan Rohani. Crédits photo : Shealah Craighead et Kremlin

Après avoir dit que l’Iran avait vaincu « la domination technologique des États-Unis », le commandant en chef des Gardiens de la Révolution, Hossein Salami a avancé que son pays était « prêt à tout type de scénario ». Donald Trump, lui, a déclaré que « ça ne prendrait qu’une minute » de « frapper 15 sites majeurs en Iran ». Est-ce qu’il y a un risque de guerre entre l’Iran et les États-Unis ? 

Il y a déjà une guerre économique à cause de l’embargo américain et comme tous les pays occidentaux suivent cet embargo, les conséquences sont importantes en Iran. Entre 2018 et 2019, il y a eu une récession de près de 5 % et un risque d’effondrement économique.

Mais il y a surtout une inquiétude d’escalade militaire dans la région. L’Iran se dit victime d’une injustice parce que le payé a signé l’accord sur le nucléaire, honoré ses engagements mais a continué à être asphyxié économiquement. Pour lui, le statu quo est intenable.

À l’inverse, les autres pays de la région pensent que l’Iran est une puissance qui s’étend et qui vise à interférer dans les affaires des pays arabes alliés de l’Arabie saoudite.

Le timing de l’attaque est bien pensé : on est à la veille d’élections en Israël et la campagne présidentielle aux États-Unis a déjà commencée.

Peut-on douter de la responsabilité de l’Iran en ce qui concerne les attaques des deux sites pétroliers saoudiens le 14 septembre  ? 

Ces attaques sont en tout cas le fait des alliés de l’Iran. La question est de savoir si elles ont été organisées par les forces militaires iraniennes ou par des groupes alliés comme les rebelles Houthis  au Yémen qui ont revendiqué, en représailles des frappes de la coalition menée par l’Arabie saoudite au Yémen.

Les responsables des attaques contre les sites pétroliers veulent faire passer le message que la politique américaine menace la prospérité économique de la région. Les destinataires de cet avertissement sont donc les pays du Golfe plus que les occidentaux.

Comment interpréter les conséquences diplomatiques de l’attaque du 14 septembre ?

Il s’agit d’abord une défaite militaire des Américains. Les États-Unis apparaissent comme une puissance incapable de protéger l’Arabie saoudite. Sur le plan militaire, ces attaques peuvent apparaître comme une victoire du camp iranien : sans faire de victime, ils ont réussi à réduire de moitié la production de pétrole de l’Arabie saoudite pour plusieurs semaines.

Mais c’est surtout une défaite diplomatique pour l’Iran qui est accusé d’embraser le conflit. Ils se défendent d’être à l’origine des frappes. Selon eux, ce sont les Houthis qui sont responsables et qui répondraient à des agressions saoudiennes au Yémen.

De plus, les Américains peuvent utiliser cet événement pour accuser l’Iran d’être responsable de tous les conflits de la région.

La stratégie dite de « pression maximale » de Donald Trump, celle de provoquer l’effondrement économique de l’Iran, est-elle efficace ? 

Trump est face à ses contradictions, il assure que l’Iran va accepter de renégocier l’accord sur le nucléaire mais finalement, il renforce les extrémistes en Iran, qui ont le sentiment d’une injustice. Aujourd’hui, plus personne ne s’oppose à cette stratégie au sein de l’administration américaine puisque tous ceux qui étaient favorables à l’accord ont été licenciés.

Maintenant, on ne parle plus de la question nucléaire, la question s’est déplacée sur la sécurité de la région. Cela peut apparaître comme une victoire de l’administration Trump par rapport aux diplomaties européennes mais en réalité tout le monde y perd. 

À l’occasion de la 74e assemblée générale des Nations Unies, Emmanuel Macron a affirmé que les conditions pour une négociation entre les États-Unis et l’Iran étaient réunies... 

Je pense qu’Emmanuel Macron fait de la communication pour l’opinion publique française. Il n’a pas véritablement la possibilité d’être un médiateur : la France est l’alliée militaire de l’Arabie saoudite et n’est donc pas un facteur neutre. Si vous regardez les nominations au Quai d’Orsay et au ministère de la Défense, les fonctionnaires promus ces derniers mois ont des positions anti-iraniennes.


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