Les livres politiques d’avril 2024

Les livres politiques d’avril 2024

Tous les mois, Émile vous propose de découvrir une série de livres, écrits par des Sciences Po, abordant des questions politiques sous différents angles. En avril, nous vous proposons une étude sur les racines sociales de la violence politique, une intrigante plongée dans l’argot parlementaire, un essai sur l’art sous l’Occupation, l’histoire d’une jeune femme résistante et, enfin, une analyse de la crise des médias. 

Par Zoë Foures et Caroline Blackburn

Les racines sociales de la violence politique

Dans l'ombre croissante des chiffres alarmants, une question brûle les lèvres : comment la France en est-elle arrivée là ? Entre 2021 et 2022, les agressions contre les élus ont bondi de 32 %, tandis que 12 % du personnel éducatif rapportent avoir été victimes de menaces ou d'insultes chaque année. 

Luc Rouban se penche sur ces sombres réalités avec une rigueur scientifique, démêlant les fils complexes de cette nouvelle violence politique. Le chercheur s’intéresse notamment aux émeutes de juillet 2023, au mouvement des Gilets jaunes en 2018 ou encore à la mobilisation contre la réforme des retraites.

À travers une étude approfondie, le politologue cherche à dévoiler les racines persistantes de cette crise. Ses recherches en science politique révèlent une remise en question profonde de la structure sociale, surtout dans les milieux populaires, une caractéristique plus prononcée en France qu'ailleurs en Europe.

Selon l’auteur, la France voit une alarmante montée de la violence politique, illustrée par des manifestations massives et des actes de vandalisme. Cette crise complexe ne peut être réduite ni au populisme ni à une révolution conventionnelle, mais découle de tensions profondes tant sociales que politiques. Pour y mettre un terme, il suggère qu’il est impératif d'entreprendre des réformes politiques radicales afin de restaurer la confiance dans les institutions démocratiques.

L’AUTEUR

Luc Rouban (promo 83) est directeur de recherche au CNRS, rattaché au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Ses travaux se concentrent sur les évolutions observées dans le secteur public en Europe, les changements au sein de la fonction publique et les réformes de l'État. L'objectif est de comprendre les nouvelles dynamiques entre les institutions, des préférences socio-politiques des individus, ainsi que des nouvelles normes du travail. 

Luc Rouban, Les racines sociales de la violence politique, L'Aube, 192 pages, 19 €


Parlez vous Poloche ? Petit dictionnaire d’argot politique et parlementaire De 1789 à nos jours

« La politique, les mots, c’est une vieille histoire », nous rappelle Bruno Fuligni dans l’introduction de son dernier livre. Des discours enflammés aux propositions de loi déposées, les mots – écrits ou déclamés – sont incontestablement au cœur de la vie politique. Mais – et c’est bien là tout l’intérêt de cet ouvrage – « la politique n’est pas seulement consommatrice de mots, elle en crée »

Connaissez vous la danse du ventre, la Couesnonnade ou la Cordonite? Si, comme beaucoup d’entre nous aujourd’hui, vous n'êtes pas familier avec ces termes, vous pourrez vous plonger avec curiosité dans Parlez vous Poloche ? Bruno Fuligni y a minutieusement répertorié près de 1 000 expressions d’argot politique. Si certaines de ces expressions ont été reléguées dans l'oubli, d'autres continuent de résonner dans les couloirs du pouvoir. 

Dans ce dictionnaire savamment élaboré, l'auteur nous offre un éventail d'expressions à la fois amusantes et instructives sur la vie politique française, ayant un sens bien précis dans les cercles parlementaires et les hauts lieux du pouvoir. Chaque terme est accompagné d'une définition détaillée, de citations provenant de sources fiables et de renvois pertinents, offrant ainsi une immersion complète dans le langage politique de 1789 à aujourd’hui.

L’AUTEUR

Bruno Fuligni (promo 91) a travaillé une vingtaine d’années à l’Assemblée nationale. Il est aujourd’hui écrivain, historien et maître de conférences à Sciences Po. Il est l’auteur de 30 livres, dont Les Lois folles de la République (JC Lattès). Son œuvre, axée sur l'utopie et la politique française, témoigne de sa profonde immersion dans ces domaines. Passionné par la fiction, Bruno Fuligni se frotte également à l’écriture théâtrale ; sa pièce La valise de  Jaurès fut un succès. 

Bruno Fuligni, Parlez vous Poloche? Petit dictionnaire d’argot politique et parlementaire De 1789 à nos jours, Hemisphère, 250 pages, 24€


L’Art de la défaite

L’Art de la défaite, originellement publié en 1993, fut réédité plusieurs fois depuis. Il sort pour la première fois en poche.

Dans l'ombre pesante de l'Occupation, l'art devient une arme politique. De 1940 à 1944, alors que la France est plongée dans le chaos, les artistes se retrouvent au front de la bataille pour la liberté culturelle. Sous l'œil scrutateur de l'occupant, de l'État français, de la critique et du public, l'art est sommé de guérir les maux de la nation et d'élever les esprits. Mais derrière les expositions florissantes et le marché de l'art en plein essor se cachent des ruptures déchirantes.

Des modernes en exil aux artistes juifs et maçons bannis, des figures éminentes comme Picasso réduites au silence, chaque pinceau est teinté de politique. Dans cette plongée captivante dans l'histoire méconnue de la France des années noires, l’historienne de l’art dévoile sans concession les rouages du régime de Vichy et la mainmise de l'occupant sur le monde artistique.

Entre exclusions d’artistes et collaborations d’autres, cet ouvrage – qui vient de paraître en poche – offre un portrait saisissant de la lutte pour la liberté d'expression dans une France en proie à l'Occupation. Plongez au cœur d'une époque où chaque œuvre était chargée de politique et où l'art devenait le reflet des espoirs, des peurs et des nostalgies d'une nation en crise.

L’AUTEURE

Professeure à Sciences Po, commissaire d'expositions, directrice de collection et chercheuse au Centre d’Histoire de Science Po, Laurence Bertrand Dorléac détient un doctorat en histoire à Sciences Po (promo 90). Elle est également Présidente de la Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP). Ses domaines de spécialité portent sur ​​l’histoire de l’art, l’histoire visuelle, l’histoire des représentations de la guerre et l’histoire politique de l'art et du monde de l'art.

Laurence Bertrand Dorléac, L’Art de la défaite, Points, 624 pages, 14,50 € (réédition en format poche)


La plus résistante de toutes

Plongez au cœur de l'Histoire avec le récit poignant de Nicole Bacharan, où le courage et l'amour s'entremêlent dans les heures sombres de la France occupée.

À travers les pas de sa mère dans sa jeunesse, Bacharan retrace le chemin de la résistance, éclairant les zones d'ombre d'une époque marquée par la lutte pour la liberté. Pourquoi une jeune fille de 18 ans décide-t-elle de défier l'occupant plutôt que de se soumettre à la fatalité de l'Histoire ? Comment affronte-t-elle les périls de la Gestapo, menottes aux poignets ? Nicole Bacharan explore ces questions avec sensibilité et profondeur, donnant vie à l'héroïsme méconnu de sa mère.

Au cœur de ce récit se trouve aussi une histoire d'amour inébranlable entre Ginette et Jean, dont leur passion pour la liberté les lie dans un combat commun contre l'oppression, dans une France où la fureur de la guerre et de la haine règne en maître.

À travers une narration à la fois romanesque et intime, Nicole Bacharan rend hommage à ces héros oubliés de la Résistance, illuminant leur courage et leur détermination. « Cette jeune fille naïve et téméraire » devient ainsi le symbole d'une génération qui a refusé de plier devant l'obscurité, inspirant les lecteurs à découvrir leur propre force face à l'adversité.

Salué par le prix Simone Veil 2023, cet ouvrage offre un voyage émotionnel et historique qui captivera les lecteurs avides de découvrir les récits méconnus de la Seconde Guerre mondiale.

L’AUTEURE

Nicole Bacharan (promo 76), politologue franco-américaine spécialisée dans la société américaine et les relations franco-américaines, est également une écrivaine prolifique. Diplômée de Sciences Po, de l'université Paris I Panthéon-Sorbonne et du Collège d'Europe de Bruges, elle est chercheuse associée à la Fondation nationale des sciences politiques de Sciences Po. Lauréat du prix Simone Veil 2023, La plus résistante de toutes est son ouvrage le plus personnel. 

Nicole Bacharan, La Plus résistante de toutes, Points, 312 pages, 8,90 € (réédition en format poche)


L’Information est un bien public

Cette réédition offre une analyse approfondie de la crise croissante des médias et de la perte de confiance des citoyens envers ces derniers. Les auteurs soulignent l'importance cruciale de traiter ce problème à la racine, en examinant de près la question de la propriété des médias. Ils remettent en question l'absence de règles claires empêchant l'ingérence des actionnaires dans le fonctionnement des rédactions, ce qui compromet l'indépendance éditoriale et nuit à la diversité des opinions dans le paysage médiatique.

En mettant en lumière les diverses formes de propriété des médias et les limites des régulations actuelles, Cagé et Huet proposent une solution concrète : une loi de démocratisation de l'information. Cette proposition vise à rétablir le contrôle des médias entre les mains des journalistes et des citoyens, garantissant ainsi une information de qualité et un débat public diversifié. Ils insistent sur la nécessité de transformer les médias en des institutions indépendantes, gouvernées démocratiquement et axées sur la production d'une information fiable et impartiale.

En présentant un plan détaillé pour une gouvernance démocratique des médias, incluant des mécanismes tels que le droit d'agrément, la transparence de la gouvernance et de l'actionnariat, ainsi qu'un investissement dans la qualité de l'information produite, les auteurs fournissent une feuille de route politique claire pour restaurer la probité et la liberté des médias. Leur appel à l'action résonne avec urgence dans un contexte où la manipulation de l'information et la désinformation menacent les fondements de la démocratie. En refermant ce livre méthodique, le lecteur est incité à s'engager dans la lutte pour des médias indépendants et éthiques, une mission cruciale pour l'avenir de notre société.

LES AUTEURS

Julia Cagé, normalienne, chercheuse et professeure d’économie à Sciences Po, est reconnue pour son expertise dans les domaines de la démocratie et des médias. Auteure de plusieurs ouvrages primés, dont Sauver les médias, elle a également été distinguée par le prix du meilleur jeune économiste en 2023. Elle est également co-directrice de l’axe « Evaluation de la Démocratie » du Laboratoire Interdisciplinaire d’Evaluation des Politiques Publiques (LIEPP) et Chercheuse affiliée au Center for Economic and Policy Research (CEPR).

Benoît Huet, avocat au barreau de Paris, se distingue par son engagement dans la défense du droit des sociétés et des médias. En tant qu'enseignant à l'Essec, il partage son savoir sur la gouvernance des médias et la liberté d'expression. Ses contributions régulières à la littérature juridique enrichissent le débat sur ces questions cruciales.

Julia Cagé et Benoît Huet, L’information est un bien public, Points, 288 pages, 9,40 € (réédition Points)



Jeunesse américaine : quel(s) engagement(s) ?

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À Sciences Po, une mutation de l’engagement étudiant

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