La sélection des livres de l'été 2024

La sélection des livres de l'été 2024

Avant de partir en vacances d’été, la rédaction d’Émile vous propose une quinzaine d’ouvrages, écrits par des Alumni, à glisser dans votre valise. Romans, biographies, essais, recueil de poésie, polars, livres jeunesse… de quoi se cultiver perché sur un hamac ou occuper les longs trajets en train.

Par Alexandre Thuet Balaguer, Zoë Foures et Maïna Marjany

Pour rêver à travers les mots

Souviens-toi des abeilles 

Après un premier roman très remarqué (La Poule et son cumin, 2022, Lattès), la jeune écrivaine Zineb Mekouar nous entraîne cette fois dans les montagnes du Haut Atlas, au sud du Maroc. 

À travers les yeux d’un jeune garçon de 10 ans, le lecteur part à la découverte du plus ancien rucher collectif du monde. Le petit Anir apprend à s’occuper des abeilles et à aimer cette terre rouge, aride, de plus en plus silencieuse. Secret familial et enjeux universels se mêlent dans cette fable contemporaine. 

Le récit soulève des questions cruciales sur l’enfance confrontée aux défis environnementaux et l’amour maternel face à l’adversité. Une lecture qui laisse une empreinte durable et nous invite à réfléchir sur notre rapport au monde.

Souviens-toi des abeilles, Zineb Mekouar (promo 15), Gallimard, 176 p., 19 €


Guerre, Exil et…

Leen Youssef connaît les chemins de l’exil. Pharmacienne d’Alep, elle a fui la guerre civile syrienne avant de trouver asile en France, pays dans lequel elle a co-fondé l’association Ekota, afin de faciliter l’intégration des réfugiés. Pour vaincre “son angoisse devant une langue inconnue”, elle a cherché à dompter le français par les “vers avant de connaître les mots”.

Son recueil de poésie Guerre, Exil et … ébauche ses sentiments de manière impressionniste, sensible et puissante. De la première émotion de « liberté » qui la gagne au départ jusqu'au « rêve d’une aube » pour son pays décimé, la portée de l'œuvre transcende le récit individuel jusqu’à l’universalité. Leen Youssef éclaire sur la condition de réfugiée, de ceux qui ont tout perdu sinon leurs espoirs et leurs rêves, que la lourde réalité de l’accueil brise néanmoins.

Fruit d’échanges entre ses deux cultures, cet ouvrage s’orne aussi des calligraphies de l’artiste syrien Yasser Al Gharbi. Ses rimes réconfortantes pour tous les déplacés ont été récompensées de la mention spéciale du Prix Poésie21.

Guerre, Exil et , Leen Youssef (étudiante), Auto-édition, 113 p., 13 €


Pour voyager entre les époqueS

Les Derniers Géants

« Sans doute le meilleur roman que je lirai cette année », s’est enthousiasmé Stephen King au moment de la sortie du livre d’Ash Davidson.

Dans un souffle pur et incisif, l’écrivaine fait sienne le proverbe français « il n’est feu que de bois vert ». Plaçant l’intrigue au milieu d’une forêt, elle dépeint la Californie rurale des années 1970, dans laquelle les deux personnages principaux Colleen et Rich tentent d’échapper aux conditions de vie détruites par l’activité humaine et leurs herbicides. 

Entre eux, le conflit est prêt à éclater. Rich, le bûcheron, s’est endetté jusqu’au cou pour acquérir une parcelle de séquoias pluricentenaires, dont il espère tirer avantage. Colleen, une sage-femme sans diplôme, commence néanmoins à contester les valeurs d’une communauté qui n’a bâti que le chaos par son exploitation des ressources naturelles. Un chaos qui va jusqu’à frapper sa chair, en la condamnant à des fausses couches récurrentes. 

Dans l’héritage de la littérature transcendantale américaine, les descriptions pittoresques d’une forêt sauvage ne cessent de verdoyer, sans pour autant limer la portée sociale et politique de l'œuvre. L’auteure, qui réside toujours dans l'État rural de l’Arizona, offre une lecture limpide des fossés qui naissent entre la ville et la campagne. Des fractures qui, aujourd’hui, scindent toujours l’Amérique en deux.

Les Derniers Géants, Ash Davidson (promo 07), Babel, 624 p., 11,90 €


Itinéraire d'une résistance singulière : Du Limousin à Dora 1939-1945

Dans ce premier ouvrage, Bertrand de Lacombe revient sur les racines de sa famille au travers de l’histoire de son grand-père, Charles de Lacombe. Soldat français de la « drôle de guerre », puis résistant hardi, capturé et torturé par la férule nazie, l’homme originaire du Limousin est mort déporté à 33 ans, lors de son transport entre Buchenwald et Ravensbrück.

Nourri par un dense travail d’archives, la biographie cherche en premier lieu à combler les béances creusées dans la mémoire familiale par les affres de l’Histoire. Dans une émulation permanente, l’enquête découvre des éléments de réponse surprenants sur les choix radicalement divergents de personnes pourtant proches. Comment comprendre que sa lignée mêle des gaullistes, un chef de réseau britannique, un Juste parmi les Nations mais aussi un des principaux dirigeants du régime de Vichy ?

Puissant, le récit s’entrecoupe de lettres qu’il écrit directement à son grand-père. Bertrand de Lacombe nous éclaire par la même sur la complexité d’une période, où libre-arbitre et destin se sont entremêlés, en frappant de leurs sceaux la vie de millions d’individus.

Itinéraire d'une résistance singulière : Du Limousin à Dora 1939-1945, Bertrand de Lacombe (promo 93), Les Monédières, 220 p., 21 €


Alan Turing

Quel homme se cache-t-il derrière le génie scientifique d’Alan Turing ? Reconnu pour son aide apportée aux Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale, via le décryptage de la machine Enigma, ce roman graphique propose une lecture nouvelle d’un personnage absorbé bien plus par ses idées que par son époque.

De son enfance solitaire, éloigné de ses parents, jusqu’à ses amitiés masculines passionnelles, qui deviennent au fur et à mesure du temps des amours sincères, sa vie tourmentée l’a conduit à une mort dont la cause demeure floue, mais que la majorité des historiens apparente à un suicide. Une vie tout autant politique, d’un renié de l’Empire britannique qui le condamne pour son homosexualité. Malgré ces secousses, Alan Turing a su puiser l'inspiration nécessaire pour produire des travaux visionnaires, qui influencent encore aujourd'hui les ingénieurs du numérique et de l'intelligence artificielle.

Au fil de sublimes planches issues d’un travail d’Aleksi Cavaillez à l’encre de Chine, Maxence Collin et François Rivière content la biographie d’un savant torturé mais essentiel de l’Histoire du XXe siècle.

Alan Turing, Maxence Collin (promo 11), François Rivière et Aleksi Cavaillez, Casterman, 264 p., 28 €


Paris en lettres arabes

Le mouvement de l’orientalisme a longtemps cherché à définir l’Orient au travers du regard des Occidentaux. Dans cet essai, la journaliste et chercheuse indépendante Coline Houssais renverse ce statu quo. En dépeignant le regard d’hommes et de femmes de lettres arabophones sur la France et sa capitale, son ouvrage nous plonge dans quatre siècles de relations entre le monde arabe et la Ville Lumière.

Les récits de philosophes, d’écrivains, de poètes ou de dramaturges ayant séjourné à Paris parsèment le livre, qui pullule d’anecdotes ignorées sur les vies de ces intellectuels. L’Homme qui fait des vers n’étant jamais trop différent de celui des salons, leurs expériences ont dressé un portrait nouveau de notre capitale, tour à tour empreint de fantasme, de fascination comme de désillusion et de désenchantement. Qu’ils soient des Rastignac ou des Rubempré, leurs plumes ont esquissé une œuvre riche, à la croisée des cultures. Mais une œuvre cependant oubliée, car cachée par des autorités françaises alors colonisatrices qui méprisaient toujours les habitants du sud du bassin méditerranéen.

Coline Houssais nous permet encore une fois de la redécouvrir, dans le prolongement de son anthologie Musiques du monde arabe, publiée en 2020.

Paris en Lettres Arabes, Coline Houssais (promo 11), Actes Sud, 256 p., 23.80 €


Le Jardin des Plantes ou De l’horrible danger de la promenade

La romancière et biographe Elvire de Brissac nous ouvre les portes du célèbre jardin créé par Louis XIII, au début du XVIIe siècle. On y suit son évolution au fil des siècles, de la monarchie à la république, de Darwin à la découverte de l’ADN, du colonialisme aux Trente Glorieuses. 

Le Jardin des Plantes, à travers son histoire, semble refléter l’évolution de la société française et toutes ses implications, suscitant également une réflexion sur son avenir. Pour citer August Strindberg, « si le Jardin des Plantes est épargné, la création sera sauvée »

De quoi nous donner envie de flâner dans les allées verdoyantes entourant le muséum national d’histoire naturelle, un livre sous le bras.

Le Jardin des Plantes, Elvire de Brissac (promo 60), Grasset, 304 p., 22 €


Pour réfléchir sur sa serviette

Voltaire à la plage. La liberté dans un transat

Dans cet essai, Nicolas Grenier met en lumière le rôle crucial de Voltaire, figure emblématique des Lumières, dont la lutte pour la liberté et la justice infuse toute l’œuvre. 

À travers son analyse, l’auteur démontre l’influence de Voltaire et le débat que suscitent ses ouvrages sous l’Ancien Régime. Défiant les puissants de son époque, le philosophe s’oppose avec constance au despotisme monarchique, à l’injustice et à l’intolérance. 

Tel un phare universel de liberté, son héritage transcende les frontières et continue d’inspirer. Un hommage poignant à un géant de la pensée.

Voltaire à la plage. La liberté dans un transat, Nicolas Grenier (promo 03), Dunod, 144 p., 15,90 €


Les bleus s’effacent toujours

Outre son activité dans l’industrie pharmaceutique, Hervé Pouzoullic est auteur de roman. Dans son troisième ouvrage, il narre la vie de Marc. À 11 ans, le jeune garçon pâtit des maux d’une famille toxique. Entre les coups que son frère Enzo lui assène les mercredis après-midi, l’indifférence de sa mère et la terreur que son père, atteint de démence, instaure à la maison, sa vie se tisse dans la crainte et le désamour. Seule sa petite-amie Dolly et ses copains lui apportent un maigre réconfort, insuffisant à combler son malheur.

25 ans plus tard, la vie lui a rendu justice sociale. En maître de conférences de la Sorbonne respecté, l’universitaire a bâti sa famille, autour de sa brillante femme Caroline et de son fils Quentin. Mais, torturé par le mépris de son épouse et les torpeurs d’un passé qui ne passe pas, sa faculté à détruire et à s’auto-détruire ne sont jamais loin.

Dans un style incisif et sincère, Hervé Pouzoullic met en lumière un sujet de société essentiel, à l’heure où un enfant meurt tous les cinq jours en France sous les coups d’un de ses responsables. Une violence qui interroge sur la capacité de résilience et d’émancipation de ceux qui s’en sortent : comment construire, en confiance, dans un monde qui, dès l’enfance, vous a brisé ?

Les bleus s’effacent toujours, Hervé Pouzoullic (promo 93), Éditions Anne Carrière, 200 p., 19 €


Pour frissonner face à la mer

Sang d'encre à Marrakech

Plongée dans le Maroc des années 1950, à l’heure d’un protectorat de plus en plus contesté. Ce deuxième volet des aventures de la détective privée Gabrielle Kaplan débute à Casablanca, grande ville moderne en plein développement mais parsemée de nombreuses zones d’ombre. L’enquête sur une série de meurtres entraîne ensuite le lecteur à Marrakech, dont l’essor touristique commence alors.

La fiction se mêle à l’histoire et l’on se délecte des nombreuses anecdotes et explications historiques qui ponctuent l’intrigue. On en apprend plus sur le rapport de Wiston Churchill à la ville ocre, mais aussi le rôle déterminant que le Maroc a joué dans la lutte contre l’Allemagne nazie pendant la Seconde guerre mondiale.

Le décor est planté avec beaucoup de soin par Melvina Mestre. Le contexte historique est précis et fouillé : noms de rues, lieux branchés, événements et personnalités célèbres de l’époque, mouvements sociaux et politiques qui agitent le pays… c’est une immersion totale !

Sang d'encre à Marrakech, Melvina Mestre (promo 89), Points, 228 p., 12,90 €


Le couteau jaune. L’affaire Dany Leprince

Tout commence en septembre 1994. Dany Leprince, accusé du quadruple meurtre de son frère, de sa belle-sœur et de leurs deux filles, avoue être l’auteur un crime singulièrement sanglant, exécuté à l’aide d’un hachoir. Toutefois, quelques jours plus tard, il se rétracte, justifiant ses propos par la fatigue d’une garde à vue éreintante. Mais l’opinion des jurés se révèle déjà irrévocable.

Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, les avocats du « boucher de la Sarthe » se plaignent d’un dossier bourré d’éléments contradictoires. Ce livre met en lumière la complexité d'une telle affaire, marquée par l'absence de preuves matérielles, la destruction suspecte des scellés, et l'évolution permanente des témoignages.

Franck Johannès, journaliste spécialisé des questions de justice au Monde depuis 2000, cherche à établir les faits d’une enquête encore trop floue, conclue le 6 avril 2011 par le rejet de révision du jugement par la Cour de Cassation.

Le couteau jaune. L’affaire Dany Leprince, Franck Johannès (promo 81), Points, 648 p., 10,20 €


Pour occuper les plus jeunes

À Ciel ouvert

Rédigé à la première personne, ce roman croque la vie d’Aya, jeune réfugiée syrienne de 12 ans qui a fui la guerre pour gagner l’Europe. Avec sa mère et son petit frère, ils se bercent de l’espoir de retrouver sous peu le reste de leur famille qui a pu trouver asile en France.

Mais à leur arrivée en Grèce, les autorités les parquent dans un camp. Il y resteront des mois durant. Le tableau de cette véritable prison à ciel ouvert s’expose dans une misère sans nom. Sans école pour les enfants, sans service de santé nécessaire, mais avec une bureaucratie omniprésente, qui fait respecter les législations avant la dignité des personnes. Malgré la désolation, Aya quant-à-elle poursuit sa vie d’adolescente, entre ses rêves, ses amitiés et les remises en cause des propos de sa mère, qui sombre peu à peu.

Alice Riché décrit sans misérabilisme la vie des personnes déplacées dans les camps de réfugiés. Ses expériences dans l’humanitaire nourrissent la sincérité d’un récit poignant, accessible aux plus jeunes lecteurs comme aux plus grands.

À Ciel ouvert, Alice Riché (promo 15), Éditions Thierry Magnier, 224 p., 15,20 €


Taylor Swift. La rebelle devenue icône

Première chanteuse milliardaire grâce à son art, Taylor Swift s’est élevée au rang de phénomène dans le monde de la musique. La journaliste Morgane Giuliani nous en dévoile ici les coulisses. Bien plus qu’une interprète, l’artiste a su, en une décennie, devenir l’idole d’une génération, alignant le rythme de l’industrie musicale américaine sur le battement de ses eras.

Surdouée de la musique country, la pop rattrape ses mélodies à mesure des années. En se fondant sur ses échecs personnels, la parolière perce progressivement la distance entre sa figure médiatique et l’intimité de ses fans. Et ses musiques deviennent des tubes planétaires. Mais bien plus qu’une stratégie, cette sincérité qui éclate de l'œuvre de Taylor Swift n’est que la continuité d’une vie, dans laquelle le privé et le public s’entremêlent toujours au musical. Féministe et politique, musicale et littéraire, Taylor Swift sublime toujours le fond par la forme, accordant la portée de ses chansons à son credo suprême : l’indépendance et la liberté.

Dans cette biographie, Morgane Giuliani, journaliste culture passée par les rédactions de Marie-Claire et de RTL, pose son regard de swiftie sur une personnalité à la lecture plus complexe que le simple effet de mode, un an après son essai Féminismes et musiques.

Taylor Swift. La rebelle devenue icône, Morgane Giuliani (promo 14), Talent Éditions, 128 p., 15,90 €


Le Voyage d’Érasme : Si L’Europe m’était contée

Conte philosophique destiné aux collégiens, Le Voyage d’Erasme présente l’histoire de la construction européenne et examine l’essence même de l’Europe à travers le prisme de l’imaginaire. 

Le lecteur est emporté dans un voyage initiatique aux confins de la Corne de l’Afrique, où un jeune garçon mystérieux nommé Érasme entreprend de sauver une fleur bleue. À travers cette aventure peuplée d’animaux et d’êtres fantastiques, le livre éclaire des enjeux tels que les guerres, le changement climatique et les migrations, tout en célébrant l’idéal européen.

L’ouvrage a rencontré un certain succès lors de sa première édition au printemps 2019. Cette réédition augmentée contient un nouveau chapitre sur le conflit en Ukraine, toujours sur une forme imaginaire.

Le Voyage d’Érasme : Si l’Europe m’était contée, Franck Gouéry (promo 03), Non Lieu, 166 p., 14 €


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