François Hollande : Président normal cherche retour en politique

François Hollande : Président normal cherche retour en politique

Après avoir dressé le portrait de six candidats en campagne, représentant les principaux partis en lice aux législatives, Émile a suivi François Hollande (promo 74) en Corrèze. Ce n’est que la deuxième fois dans l’histoire de la Ve République qu’un ancien Président de la République se présente à une élection législative. Reportage.

Par Alexandre Thuet Balaguer

François Hollande est de retour dans la première circonscription de Corrèze, dont il a été député de 1988 à 1993, puis de 1997 à 2012 (Crédits : Alexandre Thuet Balaguer / Émile)

Comeback payant, pour le moment. À l’issue du premier tour, l’ex-Président de la République s’est qualifié dans la première circonscription de Corrèze. En tête avec plus de 37% des suffrages, la participation exceptionnelle contraint François Hollande à une triangulaire contre Maïtey Pouget (RN) et Francis Dubois (LR), député sortant. Ce dernier, bien que troisième, ne se retirera pas, considérant qu’il est « la seule droite capable de battre » l’ancien chef de l’État.

Dans un territoire où trois électeurs sur quatre se sont déplacés aux urnes, ce score confirme la résilience du « Président normal », dans un costume taillé sur mesure. « Un rempart contre l’extrême-droite », comme il se plait à nous le définir, ajoutant : « l’enjeu principal aujourd’hui, c’est de faire front républicain contre le Rassemblement National. Ils sont les seuls en mesure d’obtenir une majorité absolue. Nous devons leur faire échec. »

Le dernier Président de gauche du pays revit. Sur le marché d’Argentat-sur-Dordogne, en ce jeudi avant le premier tour, il pleut sur le candidat socialiste du Nouveau Front Populaire, comme à son habitude. Entouré par les caméras, la conjoncture météorologique ne l’empêche pas d’enchaîner les poignées de main. Comme un poisson dans l’eau, sa bonhomie sucre de piques comiques le tout. À deux touristes britanniques, il lance un jeu de mot dans sa langue de cœur, l’anglais. « For your elections, you have far-right and Farage. Far-right and Farage, you see? ». Des jeux d’esprit en guise de retour dans l’arène politique.

La campagne de François Hollande a été fortement médiatisée. Ici, sur le marché d’Argentat-sur-Dordogne, le dernier jeudi avant le premier tour des législatives, l’ancien Président enchaîne les interviews. (Crédits : Alessandra Martinez / Émile)

Le revenant

Pendant ces sept dernières années, François Hollande a entrepris une longue marche. Avec ses livres comme bâtons de pèlerin, il a arpenté les écoles et universités du pays pour y disséminer solennellement ses conseils, et rester dans le jeu. Lui Président, fort de son expérience, venait présenter ses Leçons du pouvoir ou encore sa vision des Bouleversements de la géopolitique internationale, au sein de ces lieux de savoir qui lui tiennent à cœur. « Si je venais à être élu député, ma priorité serait donnée à l’université. Nous le voyons bien aujourd’hui, c’est un socle dans une société qui se fissure de plus en plus. Concrètement, il faudrait réenvisager les transitions, du lycée au supérieur pour plus accompagner. C’est anormal qu’il y ait tant d’échecs en licence », nous confie-t-il, s’appuyant sur la proposition du Nouveau Front Populaire d’abroger Parcoursup.

Une remarque qui dissone à l’aune de son action. Son mandat n’a pas permis aux universités de réinventer leurs modèles financiers pour sortir des logiques de déficit – avec l’exemple phare de l’Université de Versailles, que l’État a dû lui-même renflouer pour éviter la banqueroute. Chez les étudiants, la réforme de l’admission en Master, advenue en novembre 2016, a également entériné le principe de sélection, en contrepartie d’une « droit pour tous à la poursuite d’études » peu appliqué. Preuve en est d’une politique ambiguë autour d’un enseignement supérieur réduit au rang de simple secrétariat d’État.

« De gauche, Hollande ? »

François Hollande n’est pas n’importe quel candidat. Comptable d’un bilan, vivement décrié dans son propre camp, il est le premier ex-Président depuis Valéry Giscard d’Estaing à se représenter à un mandat législatif après son règne. Comme un air de revanche pour celui qui n’avait pas pu se représenter en 2017, sous la contrainte d’un Front National à l’hégémonie croissante et de réformes impopulaires. Devant un boucher ambulant du marché, un passant refuse d’échanger avec lui. « Vous savez, moi je suis profondément de gauche », lui indique l’homme d’une quarantaine d’années. « Justement », lui rétorque le Président, avant de renchérir quelques instants plus tard dans une plaisanterie : « c’est bien le premier électeur profondément de gauche que je rencontre qui vote pour la droite », provoquant l’hilarité de l’édile socialiste de la commune.

Une remarque qui interroge néanmoins sur la légitimité de François Hollande aux yeux des partisans de la gauche. Entre deux stands, une retraitée évite le candidat. « Je suis de gauche, je vais voter pour lui, même si je condamne son action au pouvoir. C’est le dirigeant socialiste qui n’a pas fait de social », assène-t-elle. De l’échec de la mise en place d’un impôt sur les millionnaires à 75% jusqu’à sa prétendue complaisance avec les patrons traduite dans ses lois travail, son quinquennat a nourri nombre de désillusions, chez celui qui faisait du « monde de la finance » son « ennemi ».

« C’est le dirigeant socialiste qui n’a pas fait de social. »
— Une électrice corrézienne de gauche

Dans l’union, il n’y a que peu de place pour les réjouissances. Jean-Luc Mélenchon avait répliqué virulemment à son ancien rival du PS, après qu’il lui ait demandé de se « taire » : « Hollande, c’est un nom qui fait fermer des portes dans les quartiers populaires ». Dans son propre parti, le premier secrétaire Olivier Faure avait peiné à masquer son amertume à l’annonce de l’intégration de François Hollande dans le rassemblement des gauches : « toutes celles et ceux qui adhèrent [au projet du Nouveau Front Populaire] et qui sont prêts à défendre les couleurs de ce nouveau Front sont les bienvenus ». Avant de préciser son propos deux jours plus tard sur Franceinfo : « ça nous permet d’avoir un front très large », sous-entendant que la figure de l’ancien chef de l’État pourrait rassurer un électorat centriste, social-libéral, parti dans les rangs de La République en Marche en 2016.

« La République, c’est maintenant ! »

« Chez nous, ça a fait consensus, c’était une évidence », nous explique pourtant une des responsables de la Fédération du PS de Corrèze. « C’est un homme qui incarne l’unité, dans un moment où le pays en a besoin », livre-t-elle. La tripartition des résultats électoraux du premier tour signe une polarisation entamée, glissant sur la pente immuable de la fracture. Une radicalisation de la vie politique qui rompt avec le vœu formulé en 2017 par Emmanuel Macron de « dépasser les clivages ».

« Ce sont les partis eux-mêmes qui ont cessé d’être des lieux de débat, de structures d’idées. Ils n’ont pas su répondre aux attentes des Français. »
— François Hollande

Cette montée de la « brutalité dans la vie publique », François Hollande l’impute aux formations politiques : « Bien sûr, on pourrait dire qu’Emmanuel Macron y a contribué. Mais ce sont les partis eux-mêmes qui ont cessé d’être des lieux de débat, de structures d’idées. Ils n’ont pas su répondre aux attentes des Français ». Appauvris, ces fruits de la colère ont porté le RN, singulièrement dans des terres rurales. Dans sa circonscription, Maïtey Pouget « la candidate fantôme [RN] que personne ne voit jamais » – nous la présente une militante de l’équipe de campagne socialiste – se place en outsider, deuxième, à sept points du représentant du Nouveau Front Populaire. Un résultat qui ne devrait pas lui permettre d’entrer à la chambre basse du Parlement, mais qui souligne une hausse historique de l’extrême-droite dans le département. « Je m’engage aussi pour ce territoire. Quand vous voyez que la Corrèze, qui est une terre démocrate, vote à plus de 30% aux européennes pour le RN, c’est désolant », s’afflige l’ancien Président. Pour François Hollande, dans les valeurs républicaines, la constance, c’est maintenant.



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