Des élections législatives sans issue ?

Des élections législatives sans issue ?

Les résultats du second tour des législatives ont formé une Assemblée nationale inattendue, polarisée entre trois blocs : le Nouveau Front Populaire, Ensemble et le Rassemblement National. Le politologue Pascal Perrineau nous offre son analyse.

Par Pascal Perrineau (promo 74)

L’Assemblée nationale est dans une configuration inédite à l’issue des élections législatives anticipées de l’été 2024. (Crédits : Francisco Javier Gil / Shutterstock)

Ces dix septièmes élections législatives de la Vème République ont été très étonnantes. Le premier tour, le 30 juin, a été marqué par une indéniable victoire du Rassemblement national. Avec plus de 10 millions et demi de voix, le RN et son allié ciottiste ont dominé sans conteste le Nouveau Front populaire (9 millions), Ensemble (8 millions 400 000) et les Républicains (un peu plus de 2 millions).

Souvent, le deuxième tour confirme et amplifie le premier. Tel n’a pas été le cas le 7 juillet, les deux blocs constitués par la gauche et Ensemble ayant mis en œuvre une stratégie de « front républicain » destinée à éviter les situations de triangulaires favorables au RN et à multiplier les affrontements binaires où un candidat NFP ou Ensemble affrontait le candidat du RN.

« Souvent, le deuxième tour confirme et amplifie le premier. Tel n’a pas été le cas le 7 juillet... »

Le 7 juillet, dans les 500 circonscriptions qui restaient à attribuer, après les multiples retraits entre le NFP et Ensemble, il n’y eut que 89 triangulaires, 2 quadrangulaires et 409 duels. Dans ces dernières configurations, le candidat du RN a souvent été battu de peu par le candidat du NFP ou d’Ensemble alors qu’il parvenait souvent à être élu dans les triangulaires. C’est ainsi que le NFP s’est retrouvé avec 180 députés (soit 49 de plus que dans l’Assemblée sortante), Ensemble a réussi à limiter ses pertes avec 163 députés (soit 82 de moins) et le Rassemblement national n’a obtenu que 143 sièges (soit 54 de plus).

Le paradoxe est que le RN, associé aux amis d’Eric Ciotti, a rassemblé plus de 10 millions de voix le 7 juillet, la gauche n’en attirant que 7 millions et Ensemble 6 millions 300 000, mais ce sont les deux derniers qui ont obtenu le plus de sièges. Le vote a été un vote de barrage, capable d’empêcher mais incapable de proposer une alternative de gouvernement. La gauche n’a qu’une très faible majorité relative (environ un tiers des 577 sièges de députés) et Ensemble n’est pas en mesure de construire pour l’instant une majorité plus crédible. Les 66 députés républicains lui ont refusé leur soutien et les députés de gauche non-LFI ne veulent pas se désolidariser de la gauche radicale.

On comprend alors que le Président de la République ait refusé la démission de Gabriel Attal et de son gouvernement et réfléchisse à une hypothétique « formule magique » qui ferait sortir une majorité à partir d’une assemblée profondément divisée et éclatée. Le Président n’avait pas réussi à élaborer cette formule dans l’Assemblée élue en 2022 où son camp rassemblait pourtant 250 députés, on ne voit pas très bien comment il trouvera demain une solution à partir de deux blocs minoritaires oscillant entre 150 et 200 députés.

L’union du NFP et d’Ensemble est impossible pour des raisons d’allergie idéologique, l’union nationale l’est encore plus, la concentration républicaine où les deux bouts (RN et LFI) de l’omelette seraient exclus et l’on ferait avec le reste est hautement improbable, le gouvernement de techniciens dans un contexte d’exaspération vis-à-vis des élites serait une idée étrange et périlleuse… Peu à peu les portes se ferment, le Président ne peut plus dissoudre pendant un an… et la crise politique s’approfondit. Espérons, avec François René de Chateaubriand, que « les moments de crise produisent un redoublement de vie chez les hommes ».



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