Virginie Sainte-Rose : une Sciences Po dans les coulisses des Jeux olympiques à Decathlon

Virginie Sainte-Rose : une Sciences Po dans les coulisses des Jeux olympiques à Decathlon

Diplômée de l’Executive Education de Sciences Po, Virginie Sainte-Rose a transformé sa passion pour le sport et la communication en une carrière impactante. De ses débuts dans le journalisme à sa contribution essentielle à la stratégie olympique de Decathlon, son parcours montre comment une solide formation académique peut se conjuguer avec des projets de grande envergure comme les JO.

Propos recueillis par Bernard El Ghoul
Retranscription par Alexandre Thuet-Balaguer

Virginie Sainte-Rose dans les locaux de Sciences Po Alumni (Crédits : Elisabetta Lamanuzzi)

Pouvez-vous retracer votre parcours ?

Il est marqué par une double carrière. Après une année à Sciences Po Bordeaux et une maîtrise en sciences politiques à Paris 1-Panthéon-Sorbonne, je me suis tournée vers le journalisme. Quelques années plus tard, j’ai eu la chance de poursuivre le cursus de formation continue à Sciences-Po Paris avec le Master Management des Médias. Cela a décidé de la suite de ma carrière dans la communication.

Votre histoire familiale semble avoir influencé votre carrière…

Je viens d’une famille profondément ancrée dans le sport. Mon père, sauteur en hauteur, a participé aux Jeux olympiques de 1964 et 1968. Cela fait de lui aujourd’hui le plus ancien des « Olympiens » martiniquais ce qui lui a valu de porter récemment la flamme à Fort-de-France. Mon oncle a également marqué les Jeux olympiques en sprint, en 1972 et 1976. Du côté maternel, mon oncle a fait partie de l’équipe de football des Forgerons de Gueugnon. Cette connexion familiale avec le sport a naturellement influencé mon orientation professionnelle.

Par la suite, vous entrez d’ailleurs à L'Équipe. En quoi cette expérience a-t-elle été enrichissante ?

Travailler à L'Équipe a été une aventure exceptionnelle. J’ai couvert différents sports à travers le monde et vécu des situations uniques. La couverture des Jeux olympiques a été particulièrement marquante, ainsi qu’un voyage en Afrique qui a été à la fois complexe et enrichissant.

« Travailler à L’Équipe a été une aventure exceptionnelle. J’ai couvert différents sports à travers le monde et vécu des situations uniques. »

Mais, après 15 ans dans le journalisme, j’ai ressenti le besoin de changer de direction professionnelle et de me diversifier. Sciences Po m’offrait ainsi l’opportunité d’explorer le management des médias, en particulier les aspects du cross-média (on disait comme cela à l’époque) et et le champ des possibles sur le digital.

Cette formation m’a permis de mieux comprendre l’écosystème médiatique et de développer des compétences essentielles pour naviguer dans un environnement en évolution rapide. Cela m’a également encouragée à explorer de nouvelles perspectives, comme les médias numériques.

Notamment, à l’époque, j’avais senti que L’Équipe était en retard sur le web. Malgré le lancement de notre site, nous avions du mal à pleinement intégrer la culture numérique et je voyais clairement nos difficultés à évoluer sur le sujet, un problème récurrent dans la presse écrite. Je me rappelle des Jeux olympiques d’Athènes en 2004, où nous avions une grande salle de presse, mais mon collègue du web travaillait sous la table car il n’avait pas eu de place réservée et adaptée à son travail !

Cette situation m’a poussée à réfléchir à de nouvelles opportunités. J’ai alors trouvé une annonce pour un poste de chef du web à l’Onisep, à Marne-la-Vallée, et j’ai décidé de postuler. Lors de l’entretien, on m’a indiqué que certains projets digitaux prendraient du temps, mais cette opportunité était exactement celle que je cherchais pour évoluer et on n’a plus perdu une minute pour accélérer le développement numérique, bien au contraire.

Puis vous faites un passage au ministère de la Justice.

Ma fin de mission a coïncidé avec un problème de santé, qui m’a forcée à faire une pause. Pendant ma convalescence, j'ai vu une annonce pour un poste au ministère de la Justice dans Le Monde. J’ai postulé et, de fil en aiguille, je me suis retrouvée à préparer un entretien avec Christiane Taubira. À la fin de celui-ci, je l’ai vue retirer ses chaussures et ramener ses pieds sous elle sur le fauteuil de style. Elle, qui est toujours très droite, s’est décontractée, je me suis dit que c’était bon signe.

« Dans le monde politique, il ne suffit pas d’avoir une bonne formation ; il faut aussi du courage et de la ténacité. »

J'ai été recrutée, et j'ai passé plus de deux ans ans au ministère, où quatre directeurs de cabinet se sont succédé. Me concernant, la ministre cherchait à renouveler les équipes, et mon profil atypique a joué en ma faveur. J'ai donc intégré un cabinet où, bien que je n'étais pas issue du sérail traditionnel, j’ai appris à naviguer dans un environnement parfois exigeant. Finalement, cette expérience m’a permis de dépasser mes complexes liés au fait que je n’étais pas énarque et de confirmer que, dans le monde politique, il ne suffit pas d’avoir une bonne formation ; il faut aussi du courage et de la ténacité.

Vous passez ensuite par le CSA et France Télévisions avant d’arriver à Decathlon. Qu’est-ce qui vous a attiré vers cette entreprise ?

J’ai été intéressée par l’esprit innovant de Decathlon et par l’opportunité de contribuer aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Mon intérêt s’est concrétisé assez simplement, comme souvent chez Decathlon, via LinkedIn, et mon intégration s’est faite grâce à ma passion pour la communication, le sport et mon expérience diversifiée.

J’ai eu aussi la chance d’arriver dans une entreprise en transformation, à la fois digitale mais également dans le sujet qui est le mien, avec une direction groupe du marketing et de la communication qu’a mise en place la nouvelle directrice générale du groupe Barbara Martin-Coppola, qui a pris ses fonctions en mars 2022, 

À cette occasion, alors que j’officiais sur le volet marketing et  communication du partenariat, c’est Barbara qui m’a confié l’ensemble du projet pour se concentrer sur cet aspect marketing et perception de la marque, à travers ce statut de partenaire officiel.

Pouvez-nous expliquer en quoi consiste le partenariat Decathlon x Paris 2024 ?

Notre partenariat s’est concrétisé sur quatre axes : d’abord, concevoir, produire et distribuer la panoplie aux 45 000 volontaires, un défi d’importance car il s’agit, stock compris, de près d’un million de pièces ; ensuite, la constitution d’une team athlètes dont le capitaine est Teddy Riner, judoka français le plus titré de l’histoire de son sport ; des événements pour découvrir le sport et ses bienfaits lors des journées olympiques, paralympiques et bien sûr pendant les Jeux ; en interne engager nos coéquipiers et coéquipières pour vivre pleinement cette aventure olympique entre nous. Enfin, mettre en vente des produits licence officielle Paris 2024 pour nos clients.

Dans toutes nos prises de parole, nos communications, nous avons pu mettre en avant la nouvelle plateforme de marque « Ready to Play », lancée en mars dernier. Un partenariat avec un événement mondial est un vecteur fort d’expression de marque, alors autant en profiter.

Finalement, notre marque est connue mais nos coulisses un peu moins. Ce partenariat nous permet de lever un peu plus le voile sur ce que nous sommes. Par exemple, concernant les athlètes, cela fait des années que nous travaillons à des co-créations avec eux, cela s’appelait des partenariats techniques. Cette fois, avec la team Decathlon pour Paris 2024, nous avons 15 projets de co-création comme les chaussures de running avec plaque carbone de Méline Rollin, ingénieure data chez nous, avec lesquelles elle a battu le record de France du marathon cette année ! Il y aussi la planche de skate d’Edouard Damestoy, les chaussures de cross-fit de Teddy Riner etc. Bref, cela permet de mettre en valeur notre expertise technique et de faire savoir aux sportifs assidus qu’ils peuvent aussi s’équiper chez nous. 

« Notre marque est connue mais nos coulisses un peu moins. Ce partenariat nous permet de lever un peu plus le voile sur ce que nous sommes. »

Nous avons également soigné le design et le style de nos produits de la licence officielle Decathlon x Paris 2024 et c’est ainsi que notre polaire Sherpa, avec ses fonctionnalités personnalisables, est devenue un de nos best sellers l’hiver dernier.

Comment les jeunes perçoivent-ils Decathlon et les Jeux olympiques ?

Une de nos études auprès des 15-25 ans a montré que ce public était particulièrement séduit par ce partenariat gagnant. Notre marque est perçue comme populaire et peut donner plus accès, selon eux, à la fête olympique. À l’inverse, le statut de partenaire olympique peut faire évoluer le regard sur nos produits.

Ce jeune public plébiscite nos produits mais également nos événements. Les premières soirées du Decathlon Playground au Parc de la Villette sont déjà sold out. Cet espace ouvert au public pendant les Jeux offre à chacun, chacune, quels que soient son niveau, ses envies de découvrir plein d’activités sportives en s’amusant, mais également de profiter de soirées avec DJ, comedy club. Nous sommes d’ailleurs labellisés « Olympiade Culturelle ».

Quels défis avez-vous rencontrés dans la production des produits fabriqués en France ?

Privilégier le made in France a été un vrai défi car il est très difficile de trouver sur notre territoire les capacités de production adéquates en termes de savoir-faire, de délai de fabrication et de volumes. Nous avons aussi fait le choix de collaborer avec des entreprises sociales et solidaires. Pour la panoplie Volontaires, nous sommes allées au-delà des 30 % de made in France pour atteindre 53 %. Cela a un coût mais nous avions décidé de l’assumer pleinement puisque ces panoplies sont livrées aux Volontaires. 

Pour nos produits sous licence, nous sommes bien à 30 % de produits « français  » et signalés comme tels. Il est important de tenir compte du pouvoir d’achat des clients et de lui permettre d’opérer un choix éclairé.

Pour conclure, quels sont vos projets futurs chez Decathlon ?

Nous continuerons à nous concentrer sur l’innovation, l’amélioration mais aussi l’accessibilité de nos produits à destination de nos clients, tout en poursuivant notre engagement envers les valeurs du sport. J’évolue dans une entreprise où le sport est très présent, très concrètement, avec des collaboratrices et des collaborateurs qui préfèrent le sport au « business lunch »… Croyez-moi, cela améliore nettement le vivre et travailler ensemble. C’est pourquoi mon objectif est de continuer à faire rayonner Decathlon et ses valeurs liées au sport, car je sais qu’elles nous rendent toutes et tous plus humains.



Jacques Bingen, résistant

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