Gilles Ivaldi : “Il est périlleux de vouloir répondre au populisme avec ses propres idées“
Tandis que cette idéologie semble prospérer à l’ère des crises multiples, des interrogations surgissent : le phénomène populiste est-il en passe de devenir la norme politique du XXIe siècle ? Où trouve-t-il ses racines ? Quelles différences et similitudes entre les populismes de droite et de gauche radicales ? Émile s’est entretenu avec Gilles Ivaldi, chercheur au Cevipof spécialiste des droites radicales et du phénomène populiste en Europe et aux États-Unis.
Propos recueillis par Maïna Marjany (promo 14) et Alexandre Thuet Balaguer
Pierre Rosanvallon définit le populisme comme un « concept caoutchouc » dont personne ne se réclame et dont les frontières paraissent floues. Quelle est votre définition ?
Le populisme est effectivement un concept flou, souvent utilisé à mauvais escient. Il n’existe pas de définition unique, acceptée par tous, mais on retient généralement quelques caractéristiques communes aux mouvements populistes : ils construisent toujours une opposition entre le peuple et l’élite ; considèrent que l’élite a trahi le peuple et ne répond pas à ses intérêts, là où les leaders populistes prétendent, eux, défendre le peuple. Enfin, le populisme pose la souveraineté populaire comme un absolu : la volonté du peuple doit s’exprimer sans contraintes ni entraves, ce qui oppose souvent le populisme à toutes les formes de contre-pouvoirs institutionnels (juges, cours constitutionnelles, médias, etc.).
Ces dernières années, le sujet du « populisme » est au centre de l’actualité politique. Est-ce pour autant un concept nouveau ? Quand sont apparus les premiers populismes ?
Le populisme est un concept ancien. Les premiers populismes remontent historiquement au XIXe siècle aux États-Unis, avec le People’s Party, ou en Russie avec le mouvement agraire Narodniki. Depuis, le populisme s’est développé sous des formes très diverses, sur l’ensemble des continents, depuis l’Amérique latine jusqu’à l’Europe et, plus récemment, en Inde ou aux Philippines, par exemple.
“« Une première grande famille populiste est celle de droite radicale (...)
Sa conception du pouvoir et de la société autoritaire est fondée sur l’ordre et la régulation des minorités et des individualités. »”
S’il a une dimension globale, le populisme demeure toutefois très hétérogène dans la diversité de ses manifestations à travers le monde et sur l’ensemble du spectre politique. Une première grande famille populiste est celle de droite radicale, incarnée en France par le Rassemblement national de Marine Le Pen. Ce populisme figure l’intersection ou l’articulation du populisme avec deux grands systèmes de valeurs : le nationalisme xénophobe et l’autoritarisme.
Sa conception du pouvoir et de la société autoritaire est fondée sur l’ordre et la régulation des minorités et des individualités. On trouve, à gauche, un autre type de populisme associé à une forme de socialisme, de gauche radicale avec un ensemble de valeurs : redistribution, réduction des inégalités sociales et intervention de l’État. Il s’agit d’un populisme plus universaliste et inclusif, sans dimension xénophobe, à l’image des populismes en Amérique latine, qui ont voulu ramener les indigènes et les défavorisés dans la communauté nationale.
À la fin du XIXe siècle, déjà, le général Boulanger unissait autour de sa figure blanquistes et monarchistes, communards et bonapartistes, militants de gauche et de droite. Comment la rhétorique populiste parvient-elle à transcender les clivages partisans et sociaux ?
C’est toute la force du populisme, étant donné son caractère très fluide, presque caméléon. Il opère fondamentalement de manière verticale, en opposant le peuple aux élites. Mais ces notions restent essentiellement des coquilles vides. Chaque type de populisme va donner sa propre substance à ces termes de peuple et d’élite. Chez les populistes de droite, le peuple est défini par les « natifs » contre la menace des étrangers et les élites sont décriées pour leur prétendu « cosmopolitisme ». À gauche, le populisme construit son peuple comme un agrégat socio-économique de groupes sociaux et d’individus sous la férule des élites économiques, de l’austérité ou du néolibéralisme. Ce sont ces constructions particulières du peuple et des élites qui permettent au populisme de transcender les clivages partisans et sociaux.
Marc Lazar, professeur des universités en histoire et sociologie politique à Sciences Po, estime que le XXIe siècle sera celui du populisme. Êtes-vous d’accord ?
Je suis partiellement d’accord. Oui, le XXIe siècle est d’ores et déjà marqué par l’essor et la consolidation du populisme dans de nombreux pays. Toutefois, il me semble important de souligner qu’il s’agit d’une forme spécifique de populisme, en l’occurrence celui de droite radicale, incarné en France par le RN. C’est d’abord et avant tout ce populisme de droite qui connaît une forte progression un peu partout dans le monde depuis plusieurs années. D’autres types de populisme – je pense notamment à celui de gauche illustré en France par La France Insoumise ou en Espagne par un parti tel que Podemos – sont plutôt en recul, notamment en Europe.
Dans les démocraties représentatives, le populisme s’est ancré dans les institutions, le débat politique et médiatique, mais aussi dans les esprits. Peuvent en témoigner, entre autres, les mises en doute des expertises scientifiques durant la crise du Covid et, à présent, la crise climatique. Les partis populistes ont-ils gagné la « guerre culturelle » avant la bataille politique ?
Là encore, il me semble important de distinguer les différentes formes de populisme. On mesure effectivement aujourd’hui l’impact du populisme de droite dans le débat public et dans l’opinion. Des partis comme le RN en France ont très clairement imposé leurs thèmes, notamment l’immigration, comme enjeux politiques. On voit de quelle manière ces partis entreprennent également de politiser la question environnementale pour surfer électoralement sur les craintes ou les résistances au Pacte vert européen. Pendant la crise du Covid, beaucoup de ces partis de droite radicale populiste, comme l’AfD, en Allemagne, ou le Parti de la liberté, en Autriche, se sont opposés aux mesures sanitaires au motif de la défense des libertés individuelles, et n’ont pas hésité à flirter avec certaines thèses complotistes.
“« Le populisme met en scène et instrumentalise les crises – sanitaire, économique, migratoire, environnementale – pour mieux délégitimer les élites et les rendre responsables de tous les dysfonctionnements, de tous les échecs. »”
Dans tous les cas, on observe un même mécanisme : le populisme met en scène et instrumentalise les crises – sanitaire, économique, migratoire, environnementale – pour mieux délégitimer les élites et les rendre responsables de tous les dysfonctionnements, de tous les échecs. C’est cette logique d’attribution de responsabilités qui permet au populisme de se nourrir de toutes les formes de crise. Et c’est ce qui explique aujourd’hui la popularité de ces mouvements dans un monde où se sont succédé plusieurs crises majeures, depuis la crise financière de 2008 jusqu’à la guerre en Ukraine en passant par la pandémie et la crise des réfugiés de 2015.
Quelle est votre analyse du résultat des dernières élections européennes ? À moyen terme, peut-on parler d’une dynamique populiste en Europe ? Des différences marquées s’observent-elles en fonction des pays ?
Les résultats des élections européennes ont surtout confirmé la poussée des partis populistes de droite radicale tels que le RN français ou les Fratelli d’Italia, beaucoup moins des forces populistes de gauche. Au total, tous groupes confondus, les formations de droite radicale populiste réunissent désormais 177 sièges, soit 24 % des 720 sièges du Parlement. En 2019, elles avaient totalisé 168 élus, soit un peu plus d’un cinquième de l’ensemble – en tenant compte des 29 sièges du Brexit Party, au Royaume-Uni. En 2024, ces partis sont présents dans la quasi-totalité des États membres de l’UE. En comparaison, les partis assimilables au populisme de gauche ont réuni 46 sièges, essentiellement en Europe occidentale. Ces résultats attestent de la consolidation des partis de droite radicale populiste et de leur présence dans la quasi-totalité des États membres de l’UE. Pas moins d’une cinquantaine de partis sont assimilables à cette famille politique. Cette vague touche l’ensemble des pays européens, à l’ouest comme à l’est, où ces partis ont enregistré de bonnes performances – en Bulgarie, en Roumanie, en Lettonie ou en Slovaquie, notamment – et demeurent à des niveaux très hauts, en Hongrie et en Pologne.
“« Les résultats des dernières élections européennes attestent de la consolidation des partis de droite radicale populiste et de leur présence dans la quasi-totalité des États-membres de l’UE. »”
Le volume en sièges ne doit pas masquer d’importants effets de distorsion dus au poids relatif des représentations nationales. Les gros contingents en sièges des droites radicales populistes viennent essentiellement du RN (30 sièges) en France, des Fratelli d’Italia (24), du PiS polonais (20), de l’AfD allemande (15) et du Fidesz de Viktor Orbán, en Hongrie (11). À eux seuls, ces cinq partis réunissent plus de 57 % de l’ensemble des élus de droite radicale.
Par ailleurs, cette nouvelle poussée des droites populistes est loin d’être uniforme. Au soir du 9 juin, ces partis sont arrivés en tête en France, en Italie, en Hongrie, en Autriche et en Belgique. Ils ont enregistré des gains de voix très significatifs en Autriche, aux Pays-Bas, en Bulgarie et en Roumanie. Si elle reste dominante, la droite radicale populiste perd toutefois du terrain en Hongrie et en Pologne ; en Finlande, le Parti des Finlandais a fortement reculé. La progression de ces partis a été beaucoup plus faible au Portugal, en Espagne, en Estonie ou également en Suède.
Quels facteurs rendent les pays plus ou moins perméables aux partis populistes ?
Le populisme reste un phénomène complexe aux causes multiples. D’une manière générale, il se caractérise par l’exploitation politique des diverses formes de ressentiment. Il fonctionne par médiation pour transformer les inquiétudes sociales, économiques ou culturelles en opposition aux élites ou, dans le cas des populismes de droite radicale, aux étrangers. Depuis une quinzaine d’années, la popularité des mouvements populistes prend racine dans la « polycrise » à laquelle les citoyennes et citoyens européens sont exposés depuis 2008, sous forme de couches successives de ressentiment accumulées.
Le populisme est d’abord lié à un ensemble d’insécurités économiques, qui sont le produit de la mondialisation, mais aussi de crises comme celle de 2008. Un peu partout en Europe, il se nourrit de ces anxiétés, du pessimisme et des colères sociales. Le contexte économique et la hausse des prix pèsent encore fortement actuellement dans les opinions publiques. À cela vient s’ajouter un backlash contre les politiques de transition énergétique et le Pacte vert européen. Comme nous l’avons vu avec les récents mouvements agricoles, un peu partout en Europe, les formations populistes, notamment à droite, tentent de mobiliser aujourd’hui sur les colères exprimées face à une écologie qu’elles dénoncent comme « punitive ».
“« Le populisme reste un phénomène complexe aux causes multiples. D’une manière générale, il se caractérise par l’exploitation politique des diverses formes de ressentiment. »”
Un deuxième bloc de ressentiment, plutôt à droite lui aussi, renvoie aux insécurités culturelles. Ce populisme de droite radicale exploite traditionnellement des inquiétudes relatives à l’identité, à l’immigration et à la culture, plus que les implications économiques, même si les deux sont liées. L’enjeu migratoire demeure une question clé pour les droites radicales populistes et il a dominé l’agenda électoral des dernières élections européennes en Allemagne, aux Pays-Bas, en Pologne ou en France, notamment.
Un troisième bloc de ressentiment touche à la question de la reconnaissance. Le sentiment de ne plus être reconnu pour son travail, dans son statut social et ses valeurs. Les débats actuels autour du prétendu « wokisme » illustrent cette forme de crispation culturelle. Mais plus largement, le populisme touche aussi la question du statut de chacune et chacun dans la société, dans le monde professionnel. La reconnaissance du travail et des efforts fournis – on l’a vu avec la réforme des retraites en France – est au cœur de la contestation populiste.
Enfin, le populisme vient s’appuyer sur une crise de la représentation et une demande de respect démocratique. Il existe, dans la plupart des pays, une aspiration majoritaire des citoyens à être des coauteurs du processus de décision politique.
L’élection de Donald Trump, en 2016, avait mis en lumière les dynamiques populistes qui traversent les États-Unis. Sont-elles comparables à celles que l’on observe en Europe ? Reposent-elles sur les mêmes ressorts ?
Oui, l’élection de Donald Trump en 2016 a très largement reposé sur les ressorts classiques de la droite radicale populiste : critique des élites – Trump promettait, rappelons-le, d’assécher le « marigot » de Washington –, immigration, retour de l’autorité et de la sécurité, défense de la classe ouvrière et des « oubliés » de la mondialisation, repli nationaliste et opposition à l’internationalisation. C’est un cocktail classique qui a rapproché le phénomène Trump de nombre de partis de droite radicale en Europe occidentale. À une différence près : il ne faut pas oublier que Trump a été candidat pour le parti républicain et qu’à ce titre, il a aussi drainé l’électorat conservateur traditionnel, plus bourgeois et pas nécessairement populiste. La force de Trump, à l’époque, a été de séduire une partie de la classe ouvrière, notamment dans certains états décisifs comme le Michigan, et de réussir la jonction avec la base conservatrice du GOP [Grand old party, NDLR].
Dans le récit populiste, il y a une opposition perpétuelle à un ennemi. Quel est celui du populisme contemporain ? Est-il le même partout ?
Vous avez tout à fait raison, le populisme se construit toujours sur un ou des ennemis. Cette construction varie selon les acteurs, les contextes, les époques ou les types de populisme. Clairement, les élites politiques, administratives et médiatiques constituent la figure principale de cet « autre ». Mais l’ennemi des populistes, ce sont aussi les juges et toutes les instances de régulation institutionnelle, qui empêcheraient l’expression de la volonté populaire. On a vu en Pologne ou pendant le premier mandat de Trump aux États-Unis les multiples tentatives de mettre la justice sous tutelle politique ou de s’attaquer aux médias indépendants. En Hongrie, Viktor Orbán fait de George Soros une figure emblématique de l’ennemi, révélant au passage la persistance d’une dimension antisémite dans certains populismes de droite conservatrice. À gauche, l’ennemi du populisme, ce sont aussi les élites économiques, le FMI ou les troïkas, que ce type de populisme définit comme « l’hégémonie néolibérale ». Enfin, les populismes s’en prennent volontiers aux grandes instances internationales, depuis le FMI, l’OMC jusqu’à, naturellement, l’Union européenne, vilipendée par nombre de populistes comme un « monstre bureaucratique » qui agirait contre les intérêts des peuples européens.
“« L’ennemi des populistes, ce sont aussi les juges et toutes les instances de régulation institutionnelle, qui empêcheraient l’expression de la volonté populaire. »”
En Pologne, aux États-Unis (même si Donald Trump vient d’être réélu) et au Brésil, les leaders populistes ont perdu le pouvoir après l’avoir exercé. Comment revient-on du populisme après l’avoir expérimenté ? Le populisme ne se transforme-t-il donc pas nécessairement en régime autoritaire ?
On a effectivement des expériences de glissement du populisme vers un régime autoritaire. Le cas de Modi, en Inde, illustre bien cette dérive. On le voit également au Venezuela, avec l’évolution inquiétante du régime de Nicolás Maduro depuis sa réélection, en juillet dernier. Si l’on prend d’autres expériences de populistes au pouvoir – Viktor Orbán en Hongrie ou Donald Trump aux États-Unis –, on observe surtout une évolution vers ce que l’on appelle la démocratie « illibérale ». Ce type de régime se caractérise par un affaiblissement des principes de la démocratie libérale et des contre-pouvoirs – juges, cours constitutionnelles, médias, droits des minorités –, mais en conservant les principaux processus démocratiques, notamment les élections, la liberté d’opinion, etc. C’est une dérive très insidieuse, car elle ne paraît pas remettre en cause la nature démocratique du régime, mais elle en affaiblit néanmoins tous les rouages et peut ouvrir la voie à un régime autoritaire.
L’ère du post-populisme a-t-elle déjà débuté ?
Au regard de la consolidation des populistes, notamment de droite radicale, dans de très nombreux pays, il me semble très prématuré d’envisager la fin du populisme. Ce dernier se nourrit d’un ensemble d’inquiétudes et de colères très protéiformes : économiques, culturelles, géopolitiques, identitaires. Les grands facteurs du populisme sont des facteurs structurels de long terme – mondialisation, immigration, réaction au changement climatique, évolution des valeurs. Ces facteurs ne vont pas disparaître dans les années à venir et, avec eux, le populisme va perdurer sous ses différentes formes.
Économiquement, quelles devraient-être les priorités d’un gouvernement qui lutte contre le populisme ?
C’est une question difficile, car les attentes économiques des électorats populistes sont souvent très hétérogènes. Le propre du populisme est, on l’a souligné, d’agréger des groupes sociaux relativement différents au sein d’un « peuple » symbolique. Économiquement, ces groupes peuvent avoir des intérêts assez divergents. De plus, un des grands moteurs du populisme contemporain reste culturel, autour des enjeux relatifs à l’immigration, à l’identité ou aux valeurs, qui échappent en partie à la question économique.
D’une manière générale, toutefois, deux grands types d’enjeux économiques sont au cœur du phénomène populiste et devraient appeler un traitement par les gouvernants. Le premier est celui de la mondialisation et de l’ensemble des inquiétudes et des anxiétés qu’elle peut générer dans de nombreux secteurs confrontés à la concurrence internationale. Pour un gouvernement, tenter de répondre au populisme passe par la capacité à répondre aux multiples insécurités liées à la globalisation, en particulier dans les groupes sociaux les plus vulnérables et directement affectés par l’internationalisation.
Le second enjeu économique au cœur du populisme est celui des inégalités et des sentiments d’injustice qui peuvent y être associés. Lutter contre le populisme, c’est aussi lutter contre toutes les formes d’inégalités, s’assurer des mêmes règles pour toutes et tous, ne pas laisser s’installer la perception d’une société à plusieurs vitesses, redonner une perspective de mobilité sociale et rétablir la confiance dans les institutions et les leaders politiques. Un vaste chantier…
“« Lutter contre le populisme, c’est aussi lutter contre toutes les formes d’inégalités, s’assurer des mêmes règles pour toutes et tous. »”
Les populistes s’appuient sur une défiance vis-à-vis des institutions. Une réponse pourrait-elle naître par un regain de démocratie directe ?
Oui, sans aucun doute, il y a très clairement dans le populisme une forte aspiration démocratique, qui s’exprime dans l’appel à plus de démocratie directe. Mieux associer les citoyennes et les citoyens à la prise de décision politique constituerait incontestablement un progrès, sur le plan national, mais aussi local.
Mais ce serait une erreur d’imaginer qu’un recours à plus de démocratie directe pourrait seul représenter une réponse aux défis du populisme. Le populisme, c’est avant tout la crise profonde de la démocratie représentative et de tous ses fondements et rouages institutionnels. Répondre au populisme, c’est aussi s’efforcer de revitaliser cette démocratie représentative, réapprendre le dialogue, la recherche de compromis, l’importance de tous les contre-pouvoirs, de toutes les formes institutionnelles de régulation du conflit.
C’est aussi démonter les arguments du populisme : rappeler qu’il n’existe jamais « un » peuple, mais « des » peuples dans des sociétés pluralistes et éminemment diverses ; renvoyer aussi le populisme à ses incohérences programmatiques. Dans tous les cas, il me semble périlleux de vouloir répondre au populisme avec ses propres idées.
Bio
Gilles Ivaldi est chargé de recherche CNRS au CEVIPOF. Ses recherches portent sur les partis de droite radicale et le phénomène populiste en Europe occidentale dans une perspective de sociologie politique comparée. Les formations de droite populiste radicale occupent une place centrale sur l’échiquier politique européen. L’émergence de nouveaux acteurs et l’évolution de partis et mouvements plus établis continuent de poser de nombreuses questions quant à l’impact des droites radicales sur les systèmes politiques au sein desquels ces partis évoluent et la transformation des lignes de clivage sur lesquelles ils opèrent et mobilisent.
Gilles Ivaldi est notamment l’auteur de Droites populistes et extrêmes en Europe occidentale (Documentation française, 2004) et De Le Pen à Trump : le défi populiste (Université de Bruxelles, 2019).
Cet article a initialement été publié dans le numéro 31 d’Émile, paru en décembre 2024.