Genomines, l'extraction de métal à partir de plante

Genomines, l'extraction de métal à partir de plante

Fabien Koutchekian (promo 17) est un entrepreneur passionné, cofondateur de Genomines, start-up pionnière dans l’extraction de métaux via des plantes hyper-accumulatrices. Il s’engage aujourd’hui pour une exploitation durable des ressources naturelles, au cœur de la transition écologique. Son objectif : révolutionner l’industrie minière grâce à des solutions innovantes et respectueuses de l’environnement.

Propos recueillis par Alexandre Thuet Balaguer et Maïna Marjany

Quelles sont les grandes étapes de votre parcours ?

Fabien Koutchekian, cofondateur de Genomines. (Crédit : D.R.)

Ingénieur de formation, spécialisé dans l’ingénierie minière, j’ai toujours été fasciné par les ressources naturelles. Il faut comprendre que tout ce qui nous entoure a été soit cultivé, soit extrait de la terre, faisant de l’industrie minière la base de presque toute production. À mon sens, transformer ce secteur est une priorité pour réussir la transition écologique. Avoir un impact positif sur le secteur minier est essentiel pour créer des répercussions bénéfiques sur toute la chaîne de valeur de la transition écologique.. 

J’ai réalisé un double diplôme, d’abord en école d’ingénieur, puis en école de commerce. Cette formation ne m’a toutefois pas pleinement satisfait. Ma découverte tardive de Sciences Po m’a incité à candidater pour intégrer son master en stratégie d’entreprise, intitulé Corporate Strategy. À cette occasion, j’ai été formé à la pratique de nouvelles disciplines telle que la macroéconomie. J’ai ensuite travaillé pendant deux ans dans le conseil en stratégie, puis je me suis lancé dans l’entrepreneuriat avec un premier  projet de start-up dans le domaine de la neuro-technologie. 

Vous lancez ensuite une seconde start-up, Genomines. Pouvez-vous nous en expliquer le principe ?

Aujourd’hui, l’industrie minière de production de nickel est divisée entre l’extraction de surface et l’extraction en profondeur. Nous avons développé des alternatives durables à l’extraction de surface afin de répondre aux nombreux défis environnementaux du secteur.

L’industrie minière est une source majeure de pollution, responsable de 4 à 7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, contribuant ainsi au dérèglement climatique. Elle génère des quantités massives de déchets toxiques déversés dans les sols, l’eau et l’air. Ces rejets incluent également des polluants et des gaz toxiques, comme le soufre, qui affectent gravement les écosystèmes et les communautés locales. Les externalités négatives de cette industrie sont nombreuses et parfois même encore non identifiées, mais leur impact sur la biodiversité et les populations est critique. Par exemple, en Indonésie, l’industrie du riz et de la pêche sont directement affectées par la pollution minière.

« L’industrie minière est une source majeure de pollution, responsable de 4 à 7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. »

Pour répondre à ces enjeux, nous avons fondé Genomines afin de proposer une alternative écologique et durable pour la production de nickel. Notre méthode repose sur la phyto-extraction : en utilisant des plantes capables d’absorber le nickel présent dans les sols, nous parvenons à extraire ce métal de manière plus respectueuse de l’environnement et plus économique, tout en limitant les impacts néfastes associés à l’extraction minière traditionnelle.

Le nickel ainsi extrait joue un rôle clé dans deux grandes applications : l’acier inoxydable et les batteries. Dans l’acier inoxydable, il est combiné au chrome pour prévenir la corrosion, tandis que dans les batteries lithium-ion, il est utilisé en quantités bien supérieures au lithium. Elon Musk avait ainsi déclaré que ces batteries devraient être appelées « batteries nickel-graphite » plutôt que « lithium-ion ». Selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande de nickel de haute pureté, en particulier pour les batteries, devrait être multipliée par 19 entre 2020 et 2040.

« La demande de nickel de haute pureté, en particulier pour les batteries, devrait être multipliée par 19 entre 2020 et 2040. »

Comment fonctionnent vos technologies ?

Nous utilisons des hyperaccumulateurs, des plantes génétiquement améliorées capables d’absorber le nickel directement des sols via leurs racines. Le processus d’extraction se fait à une échelle atomique : le métal se lie à des molécules dans la plante, permettant son transport à travers toute la structure végétale.

Après une période de croissance de quatre à six mois, nous récoltons la plante, puis nous la séchons et la traitons pour en extraire le nickel sous forme de sulfate de nickel hexahydraté. Ce sel de métal est particulièrement prisé dans la fabrication des batteries NCM et autres technologies, notamment pour les véhicules électriques.

« Nous utilisons des hyperaccumulateurs (...) Après une période de croissance de quatre à six mois, nous récoltons la plante, puis nous la séchons et la traitons pour en extraire le nickel. »

Par quelles structures êtes-vous accompagnés ?

Notre entreprise bénéficie du soutien de plusieurs institutions de recherche et de fonds d’investissement spécialisés, qui renforcent à la fois notre capacité technologique et notre mission environnementale. Nous avons démarré notre projet avec Entrepreneur First, un incubateur et fonds d’investissement présent dans divers pays comme la France, les États-Unis, l’Allemagne, et Singapour. Souvent comparé au Y Combinator pour l’Europe, Entrepreneur First nous a offert un cadre pour lancer notre entreprise et affiner notre vision.

Nous avons directement rejoint Station F dès notre entrée chez Entrepreneur First. Ensuite, nous avons participé à d’autres programmes comme celui de HEC ou le Programme 21 de CentraleSupélec et AgroParisTech. Nous avons également été intégrés au Creative Destruction Lab.

Sur le plan scientifique, nous collaborons avec des acteurs majeurs en recherche et développement comme l’IPS2 qui nous apportent leur expertise sur l’ingénierie des procédés, ce qui est crucial pour l’optimisation de notre technologie de phytoextraction. Leur soutien est essentiel pour assurer l’efficacité et la durabilité de nos procédés d’extraction de nickel.

L’Institut des Sciences des Plantes de Paris-Saclay et l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture et l’Environnement) jouent un rôle clé dans nos recherches en biotechnologie et en agriculture.

Nous avons reçu des distinctions, comme le Future 40 de Station F en 2022 ou 2023, et plus récemment, nous avons été nommés parmi les Climate 10, les 10 entreprises les plus prometteuses de Station F en matière de solutions pour le climat.

Aujourd’hui, qui finance et investit dans votre concept ? Les pouvoirs publics vous ont-ils aidé ?

Notre projet bénéficie du soutien d’investisseurs privés passionnés et engagés, ainsi que d’un appui solide des pouvoirs publics. Côté privé, nous avons tout d’abord Entrepreneur First, qui nous a accompagnés dès le début en tant qu’incubateur et fonds d’amorçage. Puis il y a Lowercarbon Capital, un fonds américain de 2 milliards de dollars, spécialisé dans les technologies de rupture pour la décarbonisation. Et enfin, Elemental Excelerator, une ONG qui se concentre sur les solutions environnementales et sociales. Ces partenaires partagent tous notre vision d’une industrie minière plus durable et nous aident à faire avancer notre technologie de phyto-extraction. Côté public, nous bénéficions de plusieurs programmes dont i-Demo de Bpifrance, qui nous a permis de rejoindre l’initiative France 2030.

Quel est l’impact environnemental à long terme de la phyto-extraction sur les sols, et comment évaluez-vous leur détoxification progressive ?

La phyto-extraction a un impact environnemental très positif à long terme, notamment en détoxifiant les sols riches en nickel. En réduisant la concentration en nickel et autres métaux lourds, elle rend ces terres progressivement cultivables, permettant d’y envisager des cultures agricoles, ce qui était très compliqué et coûteux auparavant.

« La phytoextraction a un impact environnemental très positif à long terme, notamment en détoxifiant les sols riches en nickel. »

Pour évaluer cette détoxification, nous mesurons régulièrement la diminution des concentrations en nickel ainsi que l’amélioration d’autres caractéristiques essentielles pour l’agriculture, comme le pH et la teneur en matière organique. Nous utilisons également un microbiome spécialement développé dans notre laboratoire, qui enrichit les sols et optimise leurs propriétés pour la culture.

Au-delà de l’impact direct sur les sols, la phytoextraction a aussi le potentiel de transformer la chaîne de valeur du nickel elle-même. Les premières études montrent qu’en utilisant cette méthode, nous pourrions réduire drastiquement les émissions de carbone et limiter l’impact sur la biodiversité par rapport aux méthodes d’extraction minière traditionnelle. À long terme, la phytoextraction pourrait donc offrir une alternative beaucoup plus écologique pour la production de nickel.

Enfin, quels sont vos projets de développement et d’évolution pour la suite ?

Notre principal objectif est de déployer notre technologie à grande échelle pour produire du nickel en quantités significatives et démontrer ainsi son impact concret sur l’industrie.

Si cette première étape est concluante, nous envisageons d’appliquer notre technologie de phyto-extraction à d’autres métaux, comme le cobalt ou les terres rares (REEs). Cela nous permettrait d’étendre notre modèle à d’autres ressources critiques, tout en renforçant notre engagement pour une production minière durable.



La fin du télétravail ?

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