Les grands enjeux - Le désamour des Français pour l'Union Européenne

Les grands enjeux - Le désamour des Français pour l'Union Européenne

Que pensent vraiment les Français de l’Europe ? Grâce à son Baromètre de la confiance politique, le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), a pu annuellement mesurer, depuis 2009, le degré de proximité et de confiance des Français vis-à-vis de l’Union européenne.


Le secrétaire général du CEVIPOF, Madani Cheurfa, décrypte les résultats de la dernière vague d’enquête réalisée en décembre 2015. Il ne le formulera pas ainsi, mais les chiffres qu’il nous donne montrent qu’un vrai fossé semble aujourd’hui séparer les Français de la construction européenne…


Grâce à son baromètre de la confiance politique, le CEVIPOF a l’occasion de mesurer chaque année le degré de confiance des Français à l’égard de différentes institutions, et donc de l’Union Européenne. Avez-vous une tendance générale à nous donner sur ce que ressentent les Français à l’endroit de celle-ci ?

Le Baromètre existe en effet depuis 2009, année au cours de laquelle eurent d’ailleurs lieu des élections européennes. Il prend le pouls, annuellement, d’un échantillon représentatif de Français pour évaluer leur confiance politique, qui est une valeur cardinale de notre vie démocratique. En décembre 2015, lors de la 7ème vague du Baromètre, on a constaté que les Français expriment une confiance modérée à l’endroit de l’Union européenne, une institution considérée comme éloignée.

Ce sentiment d’éloignement est-il le principal handicap de l’Union européenne pour gagner la confiance des Française ? 

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’Union européenne recueille 38% de niveau de confiance, ce qui la place derrière des institutions comme le Conseil municipal (65%), le Conseil départemental (55%), le Conseil régional (55%), le Sénat (44%) ou l’Assemblée nationale (41%). Cette mesure confirme une observation récurrente du Baromètre, à savoir qu’une prime est accordée par les Français aux institutions politiques considérées comme proches. De la sorte, des institutions comme l’OMC ou comme les grandes conférences internationales ne sont créditées que de 26% chacune. Dans le même ordre d’idée, les députés européens ne recueillent que 30% de confiance, loin derrière la figure du maire (63%), ou en retrait par rapport à celle du député national (42%).

Un autre constat se dégage de ce Baromètre : les Français ont un faible sentiment d’appartenance à l’Europe, plus faible même que pour le reste du monde, ce qui est quand même surprenant…

Si l’on cherche à évaluer le sentiment de proximité avec différentes unités géographiques, on constate en effet que l’Europe est en dernière position. Le sentiment de proximité s’éprouve d’abord avec la France (40%), la ville (20%), la région ou le département (20%), le monde (12%), et enfin l’Europe (6%). Cet enjeu de la proximité s’accompagne d’un enjeu d’appartenance. Ainsi 33% de notre échantillon se revendiquent-ils autant Européens que Français, 30% seulement Français, et 35% plus Français qu’Européens. On constate aisément qu’être seulement Français est le sentiment d’un tiers de notre échantillon et que près de deux personnes sur trois mettent en avant d’abord le critère national.

Et à défaut de se sentir proches de l’Union européenne, les Français ont-ils au moins une perception bénéfique de ce que cette institution apporte à la France ? 

Oui et non. Pour 41% des personnes interrogées en décembre 2015, faire partie de l’Union Européenne est « une bonne chose » pour la France. Cependant si on additionne les euro-sceptiques (25% estiment qu’il s’agit d’une mauvaise chose) et les euro-indifférents (33% penchent qu’il s’agit d’une chose ni bonne ni mauvaise), on perçoit que cette perception positive n’est plus majoritaire.

Les résultats du baromètre se traduisent-ils lors des élections européennes ?

Sans surprise, les observations du Baromètre rejoignent les médiocres taux de participation enregistrés lors des derniers rendez-vous électoraux européens : 40,6% en juin 2009 et 42,4% en mai 2014, au cours desquels les forces politiques euro-sceptiques ont pu compter.

Le soutien à l’Union européenne repose aujourd’hui sur une base fragile. Mais pour l’avenir de cette institution, ce qui est plus problématique encore, c’est la résignation qui semble s’installer autour de ce désamour… comme si à défaut de pouvoir résoudre ce problème, nous nous résignions à vivre avec.

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