Luc Carvounas : "Je veux la clarté face à Macron et son Gouvernement"
Luc Carvounas, ancien sénateur et maire d'Alfortville, député de la 9ème circonscription du Val-de-Marne depuis juin dernier, est l'un des candidats au poste de Premier secrétaire du parti socialiste. Moins connu du grand public que les autres prétendants au titre, il revient, pour Émile, sur son projet pour le PS, nous explique les raisons de sa candidature, et analyse le début de la présidence Macron. Rencontre.
Pourquoi avez-vous décidé d’être candidat à la présidence du Parti socialiste ?
J’ai décidé de m’engager pleinement dans ce Congrès car je veux relever le Parti Socialiste autour d’un projet ambitieux, le progrès partagé. Aujourd’hui la France va mieux qu’il y’a dix ans, nous avons des opportunités extraordinaires dans un monde en mouvement constant, avec des ruptures qui vont bouleverser le monde : numérique, climat, démographie, traitement des inégalités… Face à cela, je veux que nous partagions le progrès avec tous et avec chacun, dans une société devenue de plus en plus individualiste et inégalitaire.
Je veux constituer autour de moi une équipe renouvelée, paritaire, avec de nouveaux visages, comme je souhaite que notre Premier Secrétaire soit accompagné de trois Premiers Secrétaires fédéraux délégués, à la Jeunesse, à l’Egalité Femme-Homme et aux Outremers.
Je veux la clarté : face à Macron et son Gouvernement, nous sommes dans l’Opposition ; sur les alliances, je veux bâtir la Gauche Arc-en-Ciel sur un socle « rose-rouge-vert » avec aussi des progressistes et des démocrates qui partagent nos Valeurs et se retrouvent dans notre projet.
Enfin, je suis un pur produit de l’Ecole républicaine et de l’engagement politique et militant. Le PS, c’est mon parcours, c’est ma vie. Il m’a tout donné, et aujourd’hui je veux lui rendre en retour en me mettant au service des militants et de notre projet.
Le PS est actuellement en difficulté tant sur le plan politique que sur le plan militant. Quels sont vos projets pour regagner la confiance des électeurs et des militants si vous êtes élu ?
Comme je viens de l’évoquer, déjà être clair sur notre positionnement dans l’Opposition et sur le choix de nos alliances politiques futures. Ensuite, mon Texte d’orientation « Un Progrès partagé pour faire gagner la Gauche » - à retrouver sur luccarvounas.net – contient 88 mesures concrètes que nous pourrons déjà décliner pour la plupart au Parlement pour être force de proposition, et pas seulement de contestation. C’est avec des mesures fortes et novatrices que nous intéresserons à nouveau les Français. Quelques exemples : créer un panier de service public à 15 minutes de chaque Français ; créer le premier campus mondial de recherche lié au réchauffement climatique ; le remplacement des professeurs en ZEP en 48 heures ou encore l’expérimentation du droit de vote à 16 ans.
Nous devrons aussi dès le lendemain de notre Congrès nous projeter dans les futures élections européennes. Les social-démocraties sont mortes aux niveaux nationaux. Nous devons donc bâtir un projet des Gauches européennes, qui permettrait de poser les fondations de LA Gauche européenne. Pour relever ce défi, le PSE devra y prendre toute sa place. Cette élection sera un test majeur pour le PS.
Quel avenir a pour vous le PS ? Pensez-vous qu'il regagnera un jour la place politique centrale qu’il occupait sur l’échiquier politique jusqu'à l’élection d’Emmanuel Macron ?
De là où nous partons, il faut être modeste. Travaillons d’abord avant de nous rêver central. Ce qui m’intéresse, c’est plus de savoir comment nos idées vont infuser dans la société, comment nous allons conserver nos collectivités et conquérir de nouvelles villes pour faire face à la politique actuelle. Le rôle du PS, c’est de construire un projet solide et sérieux, qui convaincra les Français que partager le progrès avec tous doit être notre objectif. Après, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que l’an 0 a débuté avec Macron. Si nous travaillons tel que je le propose, alors ce quinquennat représentera une période de notre vie politique, et non pas le début d’une nouvelle époque .
Quel regard portez-vous sur la politique menée par le Gouvernement d'Emmanuel Macron ?
Celle d’une nouvelle droite libérale qui s’assume : suppression de 120.000 fonctionnaires, hausse de la CSG des petites retraites pour rendre 4.400 euros par jour aux 100 plus grandes familles Françaises, baisse des APL, perte du pouvoir d’achat de l’allocation adulte handicapé, ruralité brutalisée (avec les fermetures de classes, l’augmentation du coût de la voiture)… Il est vrai que la comparaison avec Valérie Giscard d’Estaing est plutôt tentante. On sait d’ailleurs comment cette période a fini : avec la victoire de la Gauche rassemblée autour de François Mitterrand. La réalité, c’est que politiquement, avec une majorité parlementaire caporalisée, avec des ministres « drivés » par leur administration (comme Nicolas Hulot l’a par exemple reconnu lui-même dans l’émission Au tableau !), et une certaine forme de toute puissance élyséenne, la République de Macron c’est une république que je qualifierais d’« énarcho-bonapartiste ».
Pensez-vous que le PS joue véritablement son rôle, aujourd'hui, de parti d’opposition ?
Laissez-moi remporter le Congrès et vous en serez convaincu ! Plus sérieusement, si vous me posez cette question, c’est que nous avons un problème : tous les Socialistes, notamment chez mes concurrents au Congrès, ne sont pas clairs sur cette question. J’ai battu en juin dernier LREM aux législatives dans ma circonscription. J’ai voté contre la confiance au Gouvernement d’Edouard Philippe, contre les ordonnances sur la loi travail, contre le projet de loi de finances 2018, et je n’ai pas voté la loi sur le terrorisme qui allait contre les libertés publiques et comprenait certaines mesures discriminatoires. Contrairement à au moins deux de mes concurrents, j’ai été très clair pendant la campagne des législatives : je n’étais pas candidat à la députation pour devenir un Député facilitateur du quinquennat d’Emmanuel Macron car je savais déjà – à la lecture de son livre et de son programme présidentiel - que son action ne correspondrait pas à l’ADN du PS.
Vous le voyez, je suis clair et je ne veux pas d’ambiguïtés. C’est la condition sine qua none pour que le PS redevienne aux yeux de l’opinion une voix forte et entendue de l’Opposition.
Qu’est-ce qui différencie votre candidature de celles des autres candidats à la tête du PS ?
D’abord je veux rappeler que nous sommes tous au PS depuis longtemps. Il y’a donc plus de convergences que de différences entre nous. Maintenant, s’il faut répondre à cette question, je suis le seul à avoir une vraie expérience d’élu local : j’ai été Maire, un mandat essentiel pour comprendre les attentes des Français au quotidien, et ce que représente à leurs yeux le service public.
Je propose près de 90 mesures très concrètes dans mon Texte d’Orientation quand les autres proposent soit des conventions pour savoir ce qu’il faudra faire demain, ou encore nous proposent de nous adapter au monde alors que c’est sur la base d’un projet politique fort qu’il faut que le monde s’adapte. Le dernier texte propose enfin une vision « souverainiste light » qui ne correspond ni à la vision ni à la tradition européenne des Socialistes. Je suis donc prêt, dès le lendemain du Congrès, à dire aux militants qu’avec moi ils auront la pratique du terrain, la pratique de l’organisation de leur Parti, et la pratique des alliances politiques claires. Nous n’avons pas de temps à perdre.
Enfin, sur le précédent quinquennat, je demande un devoir d’inventaire qui doit nous conduire clairement à tourner la page quand mes trois autres camarades proposent un soutien sans faille à ce que nous avons fait ou de rompre avec l’ensemble des 5 dernières années, donc avec des belles mesures comme le compte pénibilité, la retraite à 60 ans, le mariage pour tous ou le tiers payant généralisé ; ou plus étonnant, en constituant un énième comité d’experts qui devrait nous dire ce que nous devons penser, à l’instar de ce que nous avons vécu pendant trop longtemps avec les thinks tanks.
Ma singularité s’exprime aussi dans ce que je suis au quotidien: un binational franco-grec, né dans une ville populaire – Alfortville – où j’ai toujours vécu, où j’ai été Maire et où je suis toujours élu local, et où je me suis marié avec Stéphane. Etre Premier Secrétaire pour moi, ce n’est pas un job, c’est le résultat de l’engagement d’une vie.