Un manifeste pour penser le "Monde d’après"

Un manifeste pour penser le "Monde d’après"

La pandémie de Covid-19 bouleverse profondément nos sociétés contemporaines. Nos structures politiques, économiques, sociales, sanitaires sont ébranlées et il apparait de plus en plus nécessaire de les repenser. Face à ces défis, plus de 200 contributeurs de tous horizons se sont engagés dans la rédaction d’un Manifeste pour le Monde d’après, un projet porté par Alexandre Mancino, président du Cercle des jeunes diplômés de Sciences Po Alumni. Pour Émile, il revient sur cette initiative. 

Photo d’illustration. (Crédits : Shutterstock/eamesBot)

Photo d’illustration. (Crédits : Shutterstock/eamesBot)

Pouvez-vous résumer votre parcours académique et professionnel ? 

Alexandre Mancino (DR)

Alexandre Mancino (DR)

Je viens d’obtenir le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA), dix ans après avoir obtenu mon baccalauréat. Diplômé d'HEC Paris en 2016 puis de Sciences Po en 2018, j’ai commencé mes études par une classe préparatoire hypokhâgne B/L avant d’intégrer un double cursus de droit et sciences politiques à l’Université Catholique de Lille et un master en droit des affaires en partenariat avec l’EDHEC.

Après mon diplôme de Sciences Po, j’ai passé l’examen d’entrée à l’École du Barreau de Paris pour une formation de 18 mois entrecoupée de nombreux stages. Tout au long de ce parcours, j’ai eu l’occasion de travailler en cabinets d’avocat à Paris (Linklaters, Gide, Skadden) et Londres (Proskauer Rose) ainsi qu’en entreprise (Axa GIE) dans des domaines correspondant à mes appétences.

J’ai toujours eu un intérêt très vaste sur les enjeux de société au sens large, avec une fort goût pour la politique. D’abord orienté vers le droit des fusions-acquisitions, j’ai souhaité colorer mon parcours aux enjeux de régulation financière internationale, de compliance et d’éthique des affaires. Ma formation à HEC m’a énormément apporté sur le plan pratique tandis que Sciences Po m’a ramené à mes intérêts de toujours pour la chose publique et les enjeux politiques et économiques. 

J'envisage désormais la profession d’avocat comme vigie de l’état général de nos sociétés, tant sur le plan politique, démocratique et social. Acteur du service public de la justice, l’avocat a également une responsabilité particulière en tant que citoyen lanceur d’alerte. 

Comment vous est venue l'idée de ce manifeste ? Dans quel but avez-vous initié cette démarche ? 

C’était le 28 mars dernier. La France venait d’entrer en confinement. Nous nous apprêtions à vivre des semaines et mois difficiles. Très vite, les circonstances ont parlé : cette crise sanitaire allait être une épreuve pour l’humanité et allait remettre en cause toutes nos certitudes. Le temps s’est alors arrêté et c'est face à moi-même qu’une question m’a taraudé l’esprit. Comment, à titre individuel, pouvions-nous affronter cette crise avec résilience et agir, par la production intellectuelle, pour la comprendre et nous projeter dans l’avenir ? 

« Comment, à titre individuel, pouvions-nous affronter cette crise avec résilience et agir, par la production intellectuelle, pour la comprendre et nous projeter dans l’avenir ? »

Étant président du Cercle Orion, c’est à travers cette structure que j’ai lancé mon premier appel, très vite rejoint par les Jeunes Diplômés d’HEC puis par Sciences Po Alumni. Le Cercle Orion est une boite à idées indépendante créée en 2017, basée à Paris et Londres. Son objet consiste à prendre part au débat public et intellectuel et d’être reconnu comme tel. Nous avons une dizaine de comités permanents formant notre activité de recherche sur des thématiques larges et qui constitue le « ciment » du Cercle Orion. À cela s’ajoute un Laboratoire d’Innovations Publiques qui nous permet d’avoir une proximité avec le terrain et les élus locaux ainsi qu’un incubateur qui aide les startups prometteuses à se lancer. L’ensemble est ponctué d’évènements avec des personnalités du monde politique et intellectuel. 

Pour le Manifeste, nous étions 10 au départ. Je n’avais pas d’idée précise de la finalité du projet qui s’esquissait alors. Très vite, les effectifs n’ont cessé de croître pour atteindre plus de 200 contributeurs. De surprise en surprise, le projet s’est construit, au gré de l’évolution de la crise sanitaire et des personnalités de premier plan nous ont apporté leur soutien.

Nous sommes ainsi plus de 200 contributeurs à avoir ainsi été rassemblés autour d’un constat commun : le « monde d’après » n’allait plus être comme le « monde d’avant ». Nous étions tous conscients que la jeune génération allait être en première ligne pour construire le monde de demain et que notre responsabilité collective était d’être précisément tournée vers l’action.

Quel est le profil des contributeurs ?

Manifeste pour le Monde d’Après, Cercle Orion

Manifeste pour le Monde d’Après, Cercle Orion

Le Manifeste a été rédigé par nos contributeurs (issus du Cercle Orion, de Sciences Po et d’HEC) de mars à juin 2020. L’une des particularités réside dans le côté intergénérationnel des participants : beaucoup de jeunes diplômés et d'étudiants mais aussi des contributeurs plus seniors et expérimentés ont souhaité apporter leur point de vue et participer au projet. Mon équipe a ensuite préparé stratégiquement la parution tout au long de l’été avec la relecture et la mise en forme. 

La version finale est parue le 15 septembre 2020, ponctuée d’un dîner de lancement avec Bernard Stirn. Il est composé d’une première partie relative aux écrits des personnalités, parrains et marraines, qui ont contribué au projet en partageant leur réflexion sur la crise sanitaire et sur l’initiative du Manifeste, parmi lesquelles Laurent Fabius ou Bertrand Badré. 

La deuxième partie comprend nos 14 thématiques sur lesquelles les contributeurs ont travaillé en visio-conférences depuis mars, semaine après semaine par groupes de travail, planchant sur l’analyse de la crise actuelle, mais en étant aussi et surtout sources de propositions concrètes pour construire un monde post Covid-19. L’ensemble des thématiques a donné lieu à de nombreuses propositions, fruit de réflexions en amont des contributeurs qui avaient des sensibilité politiques différente. 

Pouvez-vous partager avec nous quelques idées fortes contenues dans ce manifeste ? 

L’idée de ce Manifeste était de donner un support d’expression collectif dans un contexte particulier qui nécessitait de prendre du recul et de faire une « pause » dans nos trajectoires individuelles. L’ensemble a donc été assez général dans un premier temps pour être beaucoup plus concret dans les propositions, qui pour certaines ne reflétaient pas forcément le positionnement du Cercle Orion. J’ai en effet voulu rester le plus inclusif possible et intégrer des contributeurs venant de tout bord politique désireux de s’exprimer sur la crise et d’en tirer des enseignements.

Parmi nos propositions phares figurent sur le plan politique, une redéfinition du rôle de l'État et une décentralisation effective afin de redonner plus de poids décisionnel aux territoires. C’est ainsi que l’idée d’un État investisseur, capable de soutenir la croissance et les intérêts stratégiques français a été défendue. Il en a été de même pour revaloriser le rôle de la démocratie représentative qui est en crise, en la conciliant plus étroitement avec les initiatives citoyennes, davantage participatives.

« Parmi nos propositions phares figurent sur le plan politique, une redéfinition du rôle de l’État et une décentralisation effective afin de redonner plus de poids décisionnel aux territoires. »

S’agissant du volet géopolitique et européen, les propositions ont défendu une refonte en profondeur du multilatéralisme, et davantage d’intégration politique européenne à l’heure de la recomposition de la puissance à travers le monde. 

S’agissant du volet santé, les contributeurs ont souhaité mettre l’accent sur la nécessaire décentralisation de la santé pour donner plus de pouvoir aux collectivités territoriales. 

S’agissant du volet financier, il a été admis qu’une finance responsable davantage orientée vers les enjeux environnementaux de transition écologique était indispensable. 

Le Manifeste dans sa version finale, comprend près de 600 pages, chacune des thématiques faisant en moyenne 50 pages. Toutes les propositions sont éminemment détaillées dans la version finale facilement accessible sur le lien ci-après : https://cercleorion.com/manifeste-pour-le-monde-dapres

Maintenant, quel est le futur de ce manifeste ? À qui le diffusez-vous ?

J'ai très vite pris conscience de l’importance de penser à l’après parution du Manifeste et anticiper les suites très en amont. Je me refusais à laisser ce travail collectif sans impact palpable et sans visibilité. Les contributeurs m’attendaient sur le « dépassement » de la publication. C’est la raison pour laquelle j’ai créé deux comités stratégiques ad hoc : un pôle « légitimité » qui a eu vocation à anticiper les critiques dont nous allions être la cible en raison de l'homogénéité académique apparente de nos contributeurs et un pôle « dépassement » destiné à réfléchir aux suites du Manifeste une fois paru. 

Le pôle « légitimité » s’est récemment transformé en Laboratoire d’Innovations Publiques destiné à avoir une approche de terrain au plus près des citoyens et des territoires. 

Le pôle « dépassement » a quant à lui vu advenir l’ensemble des comités d’études permanents du Cercle Orion. L’idée était de pérenniser l’action du Manifeste, de l’inscrire sur le long terme et de continuer à le faire vivre aussitôt celui-ci paru. Nous avons donc organisé un cycle de conférences avec le Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po) autour de nos thématiques pour échanger avec des chercheurs et des contributeurs sur nos propositions. Ce cycle s’est décliné de septembre à novembre en sus d’évènements ad hoc pour communiquer sur notre travail. 

Aujourd’hui, le Manifeste est un socle de réflexions pour la suite que nous entamons désormais à travers une activité de recherche permanente destinée à actualiser les parties du Manifeste et à faire le suivi de nos propositions à travers un baromètre précis pour l’ensemble de nos propositions. Nous allons aussi tester ces dernières en interagissant avec les élus locaux et réfléchir à leur implémentation concrète.

« Je forme le souhait que ce Manifeste puisse être utile dans les débats actuels et futurs. »

De manière générale, nous construisons aujourd’hui autour de ce Manifeste, en l’approfondissant et en le considérant comme base d’étude pour nos réflexions futures. Il s’agit maintenant de pérenniser cette énergie collective, de passer à l’action et d’inscrire ce projet sur du long terme afin d’être reconnu comme acteur de premier plan dans les prochaines échéances électorales, destiné à peser auprès des décideurs publics et privés et à être source de changement dans ce contexte de crise sans précédent que nous traversons. Je forme le souhait que ce Manifeste puisse avoir l’impact que nous souhaitons tous et être utile dans les débats actuels et futurs.

 

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